Comment une pratique ancestrale – la tontine – peut-elle se réinventer à l’épreuve d’un phénomène émergent ? C’est le cas du « financement par la foule » – le crowdfunding – qui s’adapte aux spécificités du continent africain via ses acteurs, ses technologies supports (Internet et téléphonie) et leurs usages.
 
Tout un chacun et donc une foule (crowd) a un certain pouvoir de financement (funding). Ce phénomène n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis une dizaine d’années. L’expression crowdfunding, dont la principale traduction en français est financement participatif, a ainsi été utilisée de manière générique pour désigner des levées de fonds. Elle reflète en réalité différents modes de financement alternatifs aux prêts des banques et autres organismes de crédit.
 
 
Le financement participatif, une nouveauté ?
 
D’un côté, des porteurs de projets cherchent les moyens de financer une idée, un produit, un programme. D’un autre côté, un grand nombre d’investisseurs – la foule – dispose de fonds qu’ils souhaitent placer tout en ayant des attentes très variables de retour sur leur investissement. Les professionnels du secteur bancaire et financier ainsi que les académiques, notamment Schweinbacher et Larralde, 2012, s’accordent aujourd’hui à penser que le terme ombrelle de crowdfunding regroupe quatre grandes familles de financement : le don, la récompense, le prêt et la prise de participation. Dans les deux premiers cas, financer un projet par un don ou en échange d’une récompense symbolique est pour l’investisseur une manière relativement passive de participer à un projet auquel il porte un intérêt particulier. C’est le cas des dons aux associations caritatives ou humanitaires, des demandes d’objets promotionnels ou de coupons de réduction, voire de pré-achat d’un produit en cours de réalisation (cas des produits culturels).
 
Les deux autres formes de « participation », le financement par prêt (crowdlending) et par investissement (aussi dénommé crowdequity), reflètent des situations plus contractuelles. Dans le cadre d’un prêt, les sommes avancées par le contributeur doivent être remboursées, avec ou sans intérêts. Dans le cadre d’un investissement, le crowdfunder soutient financièrement un projet en contrepartie d’une réelle prise de participation (actions, obligations, ou autres parts sociales). Ces pratiques n’ont en soi rien de révolutionnaire. Les dons, prêts entre particuliers et autres prises de participation existent depuis longtemps, et ce, dans tous les pays du monde. Le cas de l’Afrique est particulièrement intéressant. Les tontines, pratiques informelles fondées sur des valeurs de solidarité et de lien social, ont historiquement contribué au financement de projets en tout genre (funding). La nouveauté vient de l’intégration du numérique en général et des plateformes en particulier comme vecteurs supports qui permettent de rendre visible et accessible la foule (crowd). Concentrons nous donc sur le crowdfunding à l’épreuve des pratiques tontinières.
 
 
La tontine, mode historique de financement de projets, à l’ère du numérique
 
La mécanique fondamentale de la tontine est simple et redoutablement efficace. Les membres d’une communauté constituent une cagnotte avec les moyens financiers dont ils disposent et la confie à un tontinier ou à une tontinière qui joue le rôle de tiers de confiance. Chaque contributeur pourra ensuite recevoir à tour de rôle – et/ou par tirage au sort – tout ou partie de l’argent collecté. Cette forme d’entraide, culturellement ancrée dans les pratiques communautaires africaines, constitue de fait un mode de financement participatif. L’intérêt porté à ce type de mobilisation financière n’est finalement que le prolongement de routines. Vue sous cette perspective, la tontine est donc un dispositif connu qui peut servir de support à la mise en œuvre de projets de crowdfunding en Afrique.

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