« L’enjeu de l’intervention, a expliqué Stéphane Hugon, est de donner des éléments de compréhension de ce qui affecte la société occidentale, afin de mieux comprendre le moment de transformations que nous vivons depuis une dizaine d’années de manière générale et sur le secteur du Travel en particulier.» On le sait, le monde change vite. Pour le sociologue, on traverse une période à la fois tragique et passionnante. Les entreprises sont confrontées à des comportements multiples qui, parfois, se dérobent à nos modèles. « Outils de connaissance des marchés, arbitrages technologiques, modèles économiques, formes de distribution et, parfois, culture managériale » font partie des éléments soumis à ces fortes mutations qui traversent la société. Celles-ci « transforment la nature et la forme des relations entre les personnes – influence, confiance, recommandation, autorité… – ainsi que les liens entre les institutions, les marques et les différents publics. » Pourtant, « on continue à utiliser des outils qui appartiennent à l’ancien monde», selon le co-fondateur de l’Institut Eranos dont la mission est d’aider les entreprises à être les plus contemporaines de leur temps.

Transformation relationnelle

L’hypothèse de Stéphane Hugon est de considérer que les 10 ou 15 dernières années ont vu se déployer une transformation plus forte que celle qu’a connue l’Europe lors des périodes antérieures. « Si nos économies ont pourtant toujours vécu des cycles et des variations, celles que nous connaissons depuis une quinzaine d’année marquent davantage une transformation des modèles occidentaux traditionnels -pratiques du travail, de notre rapport à l’espace, des formes de socialisation, voire des expériences de la propriété…) et influencent directement les économies de service. » Le sociologue a ensuite fait un focus intéressant sur la période allant de 1804 à 2004. Le modèle de la société occidentale s’est développé sur une base qui a été culturellement constante et dont l’origine est écrite, entre autres, dans le Code Civil français, réalisé en 1804. On y trouve en effet les définitions de notions telles que la propriété, l’individualisme, la filiation, l’identité, la subordination, le rapport à l’espace privé et public… « Ceci a constitué une base culturelle, issue de la culture judéo-chrétienne, à l’origine d’une large part de nos cultures managériales -culture de l’effort et de la hiérarchie, responsabilisation individuelle-, comme nos bases du marketing : approche user-centric et personnalisation », a-t-il développé.

L’an 2000 a marqué un tournant, apportant des mutations sociétales que la culture digitale et les nouveaux usages technologiques vont cristalliser et amplifier par la suite. « Cette mutation touche directement la configuration relationnelle que les gens entretiennent avec leurs semblables, mais aussi avec les institutions, leur hiérarchie, les entreprises et les marques, ainsi que les modèles économiques et la définition de la valeur », a-t-il expliqué. Et d’ajouter que 2004 voit naître Facebook qui ne représente pas la société, mais qui est la société. On parlera d’ailleurs de web social. Stéphane Hugon estime donc que l’architecture relationnelle des échanges s’est métamorphosée, ce qui a une influence sur les modèles économiques classiques. Pour illustrer la transformation du lien social, le sociologue rappelle que désormais, le simple tweet d’un consommateur peut faire réagir une marque alors que celle-ci était hors de portée jusqu’alors.

L’innovation évidente, plutôt que l’innovation de rupture

Un autre exemple qui vient appuyer son hypothèse concerne l’innovation. Alors que de nombreuses entreprises vantent la rupture dans l’usage, le sociologue a expliqué qu’il fallait penser en termes « d’affordance ». Valable pour tous produits ou services, l’affordance est la qualité d’une offre à se faire immédiatement adoptée par l’utilisateur tant sa valeur semble évidente. Ceci sous-entend qu’aucune pédagogie ou force de communication n’est nécessaire. « Cette évidence suscite de bien connaître les gens à qui on s’adresse, notamment à une époque où le time-to-market est beaucoup plus court et se doit d’être efficace. » Stéphane Hugon a alors évoqué un paradoxe dans l’innovation. « Pour qu’elle soit un succès, il faut paradoxalement que le client se retrouve dedans comme si la marque avait parfaitement compris son univers et qu’elle avait parfaitement répondu à son imaginaire. »

Sourced through Scoop.it from: www.tom.travel