Quand Disney bouge, le reste du monde des médias regarde. Car Disney, ce n’est pas que le père de Mickey. Au fil des décennies, ce groupe s’est imposé comme le numéro un mondial des médias. Il s’agit d’une véritable multinationale protéiforme, active à la fois dans le dessin animé, les films, les séries, la télévision et les parcs à thèmes. Surtout, en multipliant les acquisitions, le groupe de Los Angeles n’a cessé de renforcer son portefeuille de marques au-delà de l’univers purement Disney avec des actifs comme les chaînes ABC (généraliste) ou ESPN (sport) et les héros tirés des mondes de Pixar (Toy Story, Nemo…), de Marvel (Spiderman, Hulk, Thor…) ou de Star Wars. Le fait que Disney annonce le même jour la guerre à Netflix et aux câblo-opérateurs est donc loin d’être anodin. Au premier, il vient de dire qu’il ne lui accorderait plus le droit de proposer l’essentiel du catalogue Disney à ses abonnés. Et il a prévenu les seconds qu’il allait désormais mettre l’accent sur la commercialisation en direct, via sa propre plate-forme digitale, de son offre ESPN. Or, première chaîne sportive américaine, ESPN représente l’un des principaux motifs d’abonnement au câble en Amérique du Nord. En annonçant aux « câblo » qu’ils allaient de plus en plus perdre l’exclusivité de ce contenu crucial, Disney reconnaît de fait que le monde des médias a véritablement changé. Hier, pour l’essentiel, Disney créait du contenu et confiait à des tiers, salles de cinéma, chaînes de télévision ou réseaux câblés, le soin de les diffuser. Disney facturait peu le consommateur final. Avec le boom de la diffusion digitale, Disney peut désormais de plus en plus toucher en direct ce dernier et visiblement il se demande pourquoi il devrait partager avec d’autres d’éventuelles marges. A l’image de la nouvelle stratégie de Disney, l’univers des médias devrait, dans les années qui viennent, être dominé par cette logique d’intégration verticale poussée. Les propriétaires de contenus pourraient de façon croissante créer leurs programmes et les distribuer en direct. HBO, avec ses séries, est en train d’emprunter le même chemin et a même poussé la logique un cran plus loin en acceptant d’être racheté par un opérateur télécoms qui espère ainsi se positionner à tous les échelons de la chaîne de valeur. Demain, des ligues sportives comme la Fifa ou la Ligue 1 en feront peut-être de même. Elles produisent déjà le spectacle sportif et sa captation télévisée. Elles pourraient aller plus loin et devenir elles-mêmes diffuseurs si elles estiment qu’elles ont ainsi plus à gagner. Pour les groupes de médias français, cette révolution représente plus de menaces que d’opportunités. Si Hollywood et le foot vendent demain leurs contenus en direct, que restera-t-il à des TF1 ou Canal+ concurrencés par un Netflix capable d’amortir ses séries à l’échelle mondiale ? L’avenir appartiendra à ceux qui contrôlent véritablement des contenus et pour l’instant nos géants tricolores n’en contrôlent pas beaucoup.

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