Peut-on sortir gagnant d’un pacte avec le diable ? En visitant, mardi, un entrepôt Amazon et en se réjouissant des centaines d’emplois que va créer dans l’Hexagone le géant de l’e-commerce américain, Emmanuel Macron a rendu hommage à un de ces champions du numérique qui innovent et qui embauchent. Mais pour les détracteurs des Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple), le président de la République aura surtout servi de caution à un groupe dont l’influence sur le tissu économique tricolore serait bien plus négative que positive. Expert en optimisation fiscale sur le point d’être d’ailleurs lourdement sanctionné par la Commission européenne, à la pointe lorsqu’il s’agit de remplacer la main-d’oeuvre humaine par des robots, le colosse de Seattle est surtout accusé d’être une machine à mettre sur le carreau des caissières de grands magasins. En se concentrant sur les créations brutes d’emplois, on en oublierait en effet que, en net, l’impact du groupe de Jeff Bezos est jugé par certains dramatique. Car quand l’e-commerce en général – et Amazon en particulier – progresse, les magasins physiques, qui comptent parmi les plus gros employeurs de France, trinquent. Moins naïf que ce que prétendent ses opposants, Emmanuel Macron sait bien sûr tout cela. Et c’est pourquoi il importe, lorsqu’il dialogue avec les géants du numérique, de ne pas faire preuve de naïveté. D’un côté, la France ne doit pas fermer la porte à ces géants porteurs d’une modernité réclamée par les consommateurs. Elle ne doit pas systématiquement les attaquer. Un peu comme le Royaume-Uni et l’Irlande ont su se montrer accueillants envers les usines automobiles japonaises dans les années 1980-1990 ou envers les géants de la tech américaine dans les années 1990-2000, la France doit chercher à être un point d’ancrage pour ces colosses digitaux qui s’implanteront de toutes les façons en Europe. Nous n’échapperons pas aux effets négatifs que peut avoir leur croissance. Autant ne pas se priver au moins de leurs potentiels effets positifs, dont on n’a sans doute pas encore mesuré l’ampleur. Mais accueillir ne veut pas dire tout accepter en souriant poliment. Il importe aussi d’exercer une pression permanente sur ces groupes qui sont devenus si puissants qu’ils se doivent de devenir véritablement exemplaires et citoyens. Passés maîtres dans l’art de dire que rien n’est de leur faute, qu’ils ne font qu’appliquer les lois, qu’ils pratiquent une optimisation fiscale légale (et pas de la fraude fiscale), les Gafa rejettent toujours la responsabilité sur des Etats incapables de s’entendre pour modifier les règles du jeu. Ils ne manquent pas d’arguments, mais il convient aussi d’établir avec eux un indispensable rapport de forces.

Sourced through Scoop.it from: www.lesechos.fr