Il est difficile d’estimer ce que vaudraient nos données « brutes » : des centimes ou des centaines d’euros ? De nombreux travaux sont en cours pour procéder à une telle quantification. Mais la question dépasse largement la valeur marchande. Il s’agit de reconnaître le fait aujourd’hui tabou que nos données ont un prix.

Ce prix, c’est celui de notre vie privée, que les objets connectés achèvent de pulvériser en transmettant à des IA nos conversations, nos habitudes énergétiques voire nos goûts sexuels (une plainte vient d’être déposée dans un tribunal de San Francisco contre une compagnie de sextoys connectés accusée de collecter les données hautement intimes de ses utilisateurs…).

Ce prix, c’est celui de notre libre arbitre, quand les algorithmes de recommandation conçus par des neuroscientifiques nous enferment dans un destin cognitif préétabli – et dans des opinions artificiellement polarisées.

Ce prix, c’est celui de notre liberté tout court : Shoshana Zuboff, enseignante à Harvard, a popularisé le terme fort approprié de « capitalisme de surveillance » dans un essai qui connaît un succès mondial. En se voyant proposer une somme en échange de ses données, l’utilisateur réalisera peut-être enfin pour quelle bouchée de pain il vend son âme.

Cette vertu pédagogique cruciale se doublerait d’un puissant outil d’émancipation. Car la propriété marche dans les deux sens. C’est la possibilité de vendre, ou de ne pas vendre. Si l’on peut être rémunéré en échange de son partage, on devrait pouvoir inversement utiliser tout service digital contre un paiement monétaire, ce qui affaiblirait d’autant cette économie féodale où le ciblage publicitaire finance la pseudo-gratuité de l’accès.

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