BNP Paribas, à la pointe du combat pour le développement durable ? La question mérite d’être posée. BNP Paribas a souvent été pointée du doigt pour ses pratiques peu « responsables ». Sans évoquer l’amende controversée de 9 milliards de dollars infligée par les États-Unis pour violation des embargos à l’encontre de plusieurs pays, comme le Soudan ou l’Iran, le groupe a fait l’objet de multiples sanctions dont le bien-fondé n’a pas été mis en doute.

En 2017, l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de régulation) l’a sanctionné pour « plusieurs insuffisances importantes » de son dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. La même année, le groupe se faisait de nouveau épingler par le régulateur américain pour avoir manipulé le marché des changes, puis en 2018 pour une tentative de manipulation des produits de taux. Il lui a également été reproché, pêle-mêle, d’être un des plus gros financeurs européens d’armes atomiques et une des banques les plus actives dans les paradis fiscaux. Sans compter que BNP Paribas est régulièrement pointés du doigt par les ONG pour son implication dans le financement des énergies fossiles.

Cela n’empêche d’ailleurs pas la banque de figurer dans de nombreux classements d’entreprises jugées « vertueuses » par les agences de notation extrafinancière (Vigeo Eiris, Sustainalytics, Oekom, FTSE4Good…). Cela illustre d’ailleurs bien à quel point il est difficile de mesurer la responsabilité sociale des entreprises (RSE).

Au final, toutes ces affaires valent à BNP Paribas une bien piètre réputation. Le groupe fut d’ailleurs l’objet d’un reportage signé Thomas Lafarge et Xavier Harel : « BNP Paribas, dans les eaux troubles de la première banque européenne ». Pas besoin d’être cynique pour se dire que la banque a bien besoin de redorer son blason.

Greenwashing
Dans le jargon académique on parle de greenwashing, ou éco-blanchiment. Il s’agit pour les entreprises d’adopter un positionnement et une communication orientés développement durable dans le but principal de « verdir » (ou de « blanchir ») leur image.

Matthew Kotchen, professeur à l’université de Yale et membre du prestigieux NBER, montre ainsi que les entreprises qui adoptent les comportements (en apparence) les plus « responsables » sont précisément celles qui sont les moins « vertueuses ». Les entreprises profitent ainsi du caractère foncièrement multidimensionnel de la RSE pour communiquer sur certaines bonnes actions qui ne sont pas en lien direct avec leurs activités, mais qui dans le bilan final pèseront autant, sinon plus, que leurs comportements irresponsables.

Margaret E. Ormiston (London Business School) et Elaine M. Wong (University of California) considèrent que la RSE offre un crédit moral qui permet aux dirigeants de s’engager dans un traitement moins éthique des parties prenantes : c’est le concept de Licence to ill. Les exemples abondent : on peut citer notamment l’entreprise Vale, responsable il y a quelques semaines de la catastrophe de Brumadinho au Brésil – un drame écologique et humain – qui se targue de partenariats signés avec les populations indigènes… Que les entreprises dévoient le concept de RSE, pour des raisons marketing, rien de très étonnant. Ce qui est nouveau, c’est qu’elles le font désormais avec l’assentiment des universités.

Clause de non-dénigrement
L’université PSL, en acceptant ce partenariat exclusif avec BNP Paribas pour sa formation au développement durable, n’offre-t-elle pas à la banque une Licence to ill à peu de frais ?

Le contrat qui lie PSL et BNP Paribas dans le cas de cette nouvelle licence est confidentiel. Un article publié dans Le Monde le 22 février dernier a toutefois de quoi nous alerter. Le montant serait de 8 millions d’euros sur 5 ans – rappelons que la plupart des Chaires bénéficient du régime fiscal du mécénat, qui permet à l’entreprise de défiscaliser 60 % de ses dons.

En principe, l’entreprise ne peut exiger alors contractuellement aucune contrepartie. Il a pourtant été question d’une « clause de non-dénigrement ». Celle-ci n’a même pas besoin d’être explicite : comment penser que les recherches ou les enseignements puissent dans ces conditions rester tout à fait indépendants ? Je ne doute absolument pas du sérieux, de l’intégrité, de la sincérité et du dévouement de mes collègues. Au contraire, je déplore qu’ils soient dans une situation aussi inconfortable.

Notons que l’université Paris-Dauphine, membre central de l’alliance PSL, accueille déjà depuis plusieurs années, une chaire « Finance et développement durable » financée par… le Crédit Agricole et EDF, et hébergée par l’Institut Europlace de finance – une émanation du lobby de la Place financière de Paris.

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