Obsédé depuis le début par l’idée de domination, Zuckerberg emploie trois leviers pour maintenir son emprise sur le marché : le rachat (WhatsApp et Instagram), le blocage (Vine, le réseau d’échange vidéos créé par Twitter) ou la copie (Snapchat). Résultat : « Aucun réseau social majeur n’a été créé depuis l’automne 2011. » Huit ans – autant dire une éternité à l’ère numérique. « Le pouvoir de Mark est sans précédent », estime Hughes.
Un autre indice de cette domination se trouve dans le cours de Bourse de Facebook. Impossible de comprendre pourquoi l’entreprise vaut plus de 500 milliards de dollars sans intégrer l’idée qu’elle sera en mesure d’imposer ses prix et ses conditions à ses clients payants (en l’occurrence les annonceurs publicitaires). La même remarque s’applique aux autres firmes du secteur valorisées des centaines de milliards, à commencer par Amazon et Google.
 
Sur le papier, la solution est simple. Il « suffirait » de démanteler le groupe, comme l’avaient été Standard Oil et AT&T. C’est ce que soutient Hughes, en proposant d’introduire en Bourse WhatsApp, Instagram et Messenger. La simple menace du démantèlement pourrait d’ailleurs suffire à changer Facebook, comme ce fut le cas avec IBM et Microsoft.
Concentration accrue
Mais la vraie puissance du groupe Facebook est dans le réseau social Facebook. Et celui-ci est beaucoup plus compliqué à éclater qu’une compagnie pétrolière ou qu’un opérateur téléphonique. Plus il compte de clients, plus il est efficace. Et contrairement au téléphone, il est impossible d’assurer la compatibilité entre différents réseaux par une norme technique. Ce qui fait la force de Facebook auprès de ses utilisateurs, c’est son interface et ses algorithmes, qui ne peuvent pas être partagés sans faire disparaître l’entreprise elle-même.
Il faudra de nouveaux outils pour préserver au XXIe siècle la concurrence et son rôle irremplaçable d’aiguillon. Pas seulement pour Facebook : comme le montre  toute une série de travaux académiques récents , la concentration des entreprises s’est accrue ces dernières décennies, en particulier aux Etats-Unis. Il faudra aussi une volonté politique. Outre-Atlantique, elle monte chez les démocrates, dont fait partie Chris Hughes. Côté républicains, rien n’indique pour l’instant l’émergence d’un nouveau Sherman.
Jean-Marc Vittori 

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