Fort de trente ans de carrière, notamment chez Apple, Microsoft et Google, Kai-Fu Lee est aujourd’hui l’un des plus grands spécialistes d’intelligence artificielle au monde. Né à Taiwan il y a 57 ans, il compte plus de 50 millions d’abonnés sur Weibo, le « Twitter chinois », qui l’a élu membre le plus influent en 2013. Investisseurs, politiques, PDG de multinationales et étudiants se pressent pour l’écouter partager sa vision du monde.
La voix est douce mais le propos est choc : « L’intelligence artificielle va provoquer des changements majeurs et rapides comme aucune autre révolution industrielle ne l’a fait jusqu’ici, ouvrant la voie à un nouvel ordre mondial bipolaire », prévient-il. Pour lui, cela ne fait pas l’ombre d’un doute : l’âge d’or de la Silicon Valley va se clore avec le déploiement de l’intelligence artificielle (IA). Non seulement la Chine va bientôt rattraper les Etats-Unis, mais elle pourrait même les dépasser, annonce-t-il dans son livre AI Superpowers : China, Silicon Valley and the New World Order. L’ouvrage a électrisé la Californie à sa sortie l’an dernier (1).

Pour le scientifique-entrepreneur, la Chine communiste est le meilleur endroit où investir dans l’IA. C’est dans les locaux pékinois de son fonds d’investissement Sinovation Ventures, fondé il y a dix ans, qu’il nous reçoit. Dans le quartier de Haidian, non loin des prestigieuses universités d’où sortent chaque année des milliers d’ingénieurs et des centaines de start-up rêvant de conquérir le monde. Sur les murs, les noms des plus belles pépites du portefeuille de Sinovation Ventures.
Sur les 370 start-up financées par le fonds, 15 sont devenues des licornes (dépassant le milliard de dollars de valorisation) ; une poignée des décacornes (plus de 10 milliards de dollars). De son fauteuil, Kai-Fu Lee voit les start-up chinoises se livrer une compétition sans merci, dans laquelle les adeptes du « 996 » (qui travaillent de 9 h du matin à 9 h du soir, six jours par semaine) prennent le risque de se faire laminer par les partisanes du « 997 » (mêmes horaires, mais sept jours sur sept). « La Silicon Valley a l’air carrément endormie comparée à ses concurrents de l’autre côté du Pacifique », constate celui qui a travaillé des deux côtés de l’océan.

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