Les faux parfaits non explicités comme tels ne relèvent pas de la liberté d’expression mais de la fraude, et doivent être lourdement punis. Dans le marché des idées, le consommateur a le droit de connaître l’authenticité des produits qui lui sont offerts. Au nom de la liberté d’expression, je dois accepter de figurer dans un jeu vidéo où je serais poursuivi par des hordes de mélenchonistes. Mais au nom de cette même liberté, je ne peux tolérer que circule une vidéo de moi faisant l’éloge de Piketty. Pour que le débat existe, il faut pouvoir authentifier les débatteurs. Comme l’ont montré deux juristes américains,  Robert Chesney et Danielle Citron , dans un article de recherche remarqué, les faux parfaits posent une menace substantielle pour la démocratie.

Contexte électoral
Je me félicite donc, pour une fois, que les régulateurs s’emparent du sujet. Le gouvernement américain a introduit en décembre 2018 un « Malicious Deep Fake Prohibition Act ». Le mois dernier, le gouverneur de Californie a promulgué les décrets criminalisant les faux parfaits dans un contexte électoral. En France, l’un des meilleurs spécialistes du droit du numérique, Alain Bensoussan, estime que « l’arsenal législatif existant est suffisant pour punir les deepfakes », et qu’il suffit de le mettre en oeuvre. Quant à l’industrie numérique, elle semble enfin prendre la mesure de l’enjeu : Facebook et Microsoft viennent de s’associer avec des chercheurs d’Oxford et de Berkeley pour améliorer leurs algorithmes de détection.

En attendant que les lois et les technologies s’adaptent, les producteurs de faux parfaits méritent le sort que Dante réservait aux « falsificateurs de personnes » dans les profondeurs de son Enfer, devenus fous et enragés, « des ombres pâles et nues/qui couraient en mordant comme un porc/quand il est lâché hors de la porcherie ».

Vous avez aimé cet article ? Recevez la prochaine chronique de Gaspard Koenig en avant-première par e-mail en vous abonnant à notre newsletter  https://www.lesechos.fr/newsletters/

Gaspard Koenig

Sourced through Scoop.it from: www.lesechos.fr