Sur Twitter, on ne compte plus les messages d’investisseurs ruinés par le stablecoin TerraUSD et sa cryptomonnaie « soeur », Terra (aussi connue sous le nom de Luna, son ticker sur les marchés). Le scandale, qui a éclaté en début de semaine, sape encore un peu plus la confiance des investisseurs, en pleine déroute du marché des cryptos.

Terra qui était encore, au début 2022, la 9e crypto avec une capitalisation de plus de 30 milliards de dollars, s’est littéralement effondrée. Jeudi, elle sombrait de 99,8 % et s’enfonçait au 173e rang du classement des cryptomonnaies. Sur les discussions du forum Reddit consacrées à Terra, les administrateurs avaient épinglé des numéros de prévention du suicide…

Jeudi en fin de journée, les développeurs de Terra ont décidé de suspendre la création de nouveaux jetons « pour se protéger d’une attaque ». Dans la nuit de jeudi à vendredi, le Terra finissait d’être désintégré à 0,00002 dollar et le TerraUSD, plongeait à 0,09 dollar.

Que s’est-il passé ? Le décrochage des cryptos, sur fond de télescopage des bulles bitcoin (-30 % sur 30 jours) et du Nasdaq (-15 %), est certes sévère. Mais il n’explique pas, à lui seul, cet effondrement. La panique vient en réalité du découplage entre le TerraUSD et le dollar. Les stablecoins sont censées être des devises numériques stables. TerraUSD devait garantir une parité de 1 pour 1 avec le dollar américain. Or, jeudi matin, elle n’en valait plus que la moitié. Et dès que le TerraUSD s’étant trop éloigné du dollar, les investisseurs ont totalement perdu confiance.

Une parité impossible
La plupart des grands stablecoins comme l’USDT et l’USDC sont adossés au dollar. Pour chaque crypto émise, en théorie, un montant équivalent est acheté en bon du trésor américain et placé dans un compte de réserve. Le TerraUSD, pour sa part est un stablecoin algorithmique. Le maintien de sa parité avec le dollar repose sur des processus informatiques gérant le lien entre les deux cryptos, TerraUSD et Terra. Une solution qui n’a jusqu’à présent pas fait ses preuves, mais que les fondateurs du stablecoin pensaient avoir réellement améliorée.

Le problème est que, pris dans la tempête du marché des cryptos, le Terra a décroché. Sa valeur a tellement baissé que les mécanismes d’arbitrage ne permettaient plus de soutenir le TerraUSD. Pour protéger la parité, la Luna Foundation Guard a liquidé 1,5 milliard de dollars en bitcoin, mais ça n’a pas suffi à faire suffisamment remonter le TerraUSD.

Sur la même semaine, pendant que le TerraUSD perdait 42 %, ses concurrents réellement adossés au dollar ont mieux résisté aux turbulences : l’USDT n’a pas bougé d’un iota sur la période, à 0,99 dollar et l’USDC a pris 0,15 % à 1 dollar. Dès lors, « l’utilité du protocole TerraUSD a perdu son sens », note Vincent Pellizzari, consultant chez CoinsPaid. Il s’est écroulé comme un château de cartes.

La rumeur d’un raid
Sur les réseaux sociaux, les spéculations vont bon train sur ce krach express. Le fondateur de la blockchain Cardano, Charles Hoskinson, a même un temps avancé l’hypothèse d’un raid de BlackRock et Citadel, avant de supprimer son tweet. Les fonds ont tous deux démenti cette thèse dans des communiqués. D’autres, à l’image de l’analyste Onchain Wizzard, évoquent une opération à 1 milliard sur le TerraUST.

Une chose est sûre, selon Vincent Pellizzari, « comme sur les marchés financiers, s’il y a une opportunité d’attaque, elle se produira car les marchés sont libres, surtout dans les cryptos ». Janet Yellen, la secrétaire américaine au Trésor, n’a d’ailleurs pas tardé à sortir du bois pour rappeler que cet épisode « illustre simplement le fait que c’est un produit à la croissance rapide, qu’il présente des risques pour la stabilité financière et que nous avons besoin d’un cadre adéquat ».

En fin d’année dernière, le FMI alertait sur le fait que de nombreux stablecoins ne fournissaient pas assez d’informations sur leurs réserves. « Il y a un besoin d’amélioration pour s’aligner sur les standards des fonds monétaires », soulignait l’organisation internationale. Le risque ? Que certains stablecoins connaissent « une ruée vers les guichets » (un run) comme lors des crises bancaires, les détenteurs de stablecoins cherchant, en masse, à liquider leurs actifs et à récupérer des dollars en échange. Les sociétés qui ont émis ces actifs ne seraient alors pas en mesure d’honorer leurs engagements.

Thomas Pontiroli

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