Après la faillite retentissante de FTX, la tentation était grande de durcir les règles applicables au secteur des cryptos. Mi-décembre, le Sénat y a succombé, en votant un article 5 bis déposé à la dernière minute par le sénateur centriste de l’Eure, Hervé Maurey, dans un projet de loi sur des dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail. Cet article imposait à tout acteur voulant exercer la profession de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) d’être agréé au préalable par l’Autorité des marchés financiers (AMF), dès le 1er octobre.

Les députés n’ont pas adopté la même position. Mardi soir, ils ont voté un autre amendement, celui de Daniel Labaronne. Ce député du groupe Renaissance, a totalement réécrit l’article 5 bis, dans le but de protéger davantage les investisseurs sans pour autant « fermer de manière anticipée l’écosystème », selon ses propos. Il n’y aura donc pas d’agrément obligatoire, mais, à la place, un enregistrement renforcé.
Explications. En France, depuis la loi Pacte, seul l’enregistrement des PSAN est obligatoire. L’agrément est facultatif. Entre les deux, la différence est de taille. L’enregistrement correspond au premier niveau d’autorisation. Il se limite à des vérifications ciblées sur l’honorabilité (contrôle de l’identité, du casier judiciaire notamment), la compétence (attestation sur l’honneur, curriculum vitae) des dirigeants et des actionnaires significatifs de l’entreprise, et sur les dispositifs de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Agrément plus contraignant
L’agrément, lui, est plus contraignant. Les plateformes doivent apporter des garanties plus importantes, notamment en matière de fonds propres, plus proches de celles demandées aux acteurs financiers. Elles doivent prouver qu’elles ont des systèmes permettant de lutter contre la cybercriminalité, donner des assurances de résistance en cas de fluctuations des marchés, avoir des règles strictes pour éviter les conflits d’intérêts.
A ce jour, aucun acteur n’a encore été agréé. Quelques demandes sont en cours. Pour les acteurs de la cryptosphère française, l’article 5 bis tel que rédigé par le sénateur Hervé Maurey aurait mis les acteurs en danger : trop coûteux, trop dissuasif, il aurait freiné l’innovation et aurait nui à la compétitivité française.
« Cela aurait été un très mauvais signal pour l’industrie. On a passé des mois à discuter et à réfléchir avec les autorités à une réglementation qui permette de protéger les épargnants et en même temps de ne pas freiner l’innovation », explique Ludovic de Froissard, co-fondateur de Cryptech, une fintech qui a obtenu un enregistrement auprès de l’AMF en juillet dernier. Au niveau européen, ces discussions ont d’ailleurs donné naissance au règlement MiCA, qui entrera en vigueur dès 2024 et qui imposera l’agrément obligatoire pour les PSAN (avec une période transitoire de 18 mois possible pour les acteurs bénéficiant déjà d’un enregistrement).
Au final, l’enregistrement sera renforcé pour les nouveaux acteurs. Ils seront soumis à des obligations nouvelles qui constitueront demain « des prérequis communs pour être en conformité avec la réglementation européenne ». Cela signifie avoir un système de sécurité adéquat, une politique interne de gestion des conflits d’intérêts, une communication claire et non trompeuse vis-à-vis des clients. Plus contraignant, ce dispositif devrait permettre aux investisseurs d’être mieux protégé, tout en préservant l’écosystème.
Sauf que le projet de loi n’est pas définitif. Il va sans doute passer devant une commission mixte paritaire car le texte voté au Sénat et à l’assemblée est différent. Un compromis va devoir être trouvé. Aura-t-il lieu sur ce fameux article 5 bis ?

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr