“Je le dis depuis quatre ans, Accor n’est pas en guerre contre Booking, Expédia, ni aucune plateforme en ligne. Je dis juste que le coût de leur intervention est trop élevé”, a d’abord tenu à préciser le PDG du groupe hôtelier. “Maintenant nous devons accepter une réalité : la grande majorité de nos clients viennent deux fois ou trois fois par an dans un hôtel Accor alors que les clients d’Amazon viennent trois ou quatre fois par semaine et ceux de Facebook, dix fois par jour”. Toujours très convaincant lorsqu’il s’agit de décrire les enjeux, et les périls qui caractérisent son univers concurrentiel, il a expliqué qu’il s’efforçait donc de se développer les occasions de générer du chiffre d’affaires avec un client qui ne vient même pas une fois par mois dormir dans l’un de ses hotels. “Je m’intéresse donc à son univers de vacances avec la société Travel Keys (locations de vacances), je m’intéresse à la conciergerie digitale pour l’aider à trouver un cinéma, un spectacle ou un restaurant avec John Paul et ensuite on décide de s’adresser aux 6 milliards de gens qui ne voyagent pas et parmi eux, à ce milliard d’habitants des grandes villes qui sont donc à proximité de l’un de mes hôtels. Le nombre de ces personnes va doubler d’ici 2030 à cause de l’exode rural. Ces gens là, je dois leur rendre des services, recevoir un paquet, proposer une séance de yoga… Cette initiative coûte très peu, car je mutualise 270 000 personnes qui travaillent dans 4200 hôtels et j’amortis des équipements existants. Probablement cela peut constituer un quart, un tiers des profits d’Accor dans cinq ans”.

Cette voie prometteuse est explorée alors même que le groupe hôtelier français se développe à un rythme très rapide dans son métier historique “Nous ouvrons 260 hotels par an, soit 40 000 chambres et dans le monde nous recrutons 80 000 personnes chaque année, nous en perdons 50 000 qui nous quittent après avoir été formés, c’est cette croissance qui nous donne les moyens de penser à de nouvelles activités”, confie Sébastien Bazin.

“Quand j’investis 100, ils investissent 1000”
“Mais mon principal soucis, c’est ma force de frappe digitale comparée à celle des Google, Amazon, Facebook et Apple ainsi que les géants asiatiques tel Alibaba. Qand j’investis 100, ils investissent 1000. Je ne pourrai pas répondre aux attentes de mes clients si je ne noue pas une alliance stratégique avec un ou plusieurs d’entre eux. Il ont atteint une taille dix fois plus grande que moi en terme de cash flow opérationnel, d’ingénieurs à disposition, de contacts avec les clients, de prise de risque potentielle”

Pour autant le président d’Accor mesure lui-même les risques de cette stratégie. “Le corollaire d’une telle alliance c’est que vous ne pouvez plus revenir en arrière: vous êtes enceinte! Il faut donc passer beaucoup de temps à choisir le bon cheval car vous ne pouvez pas en changer ensuite en cours de route. Et vous n’avez pas d’autre choix que de s’associer à l’un d’entre eux si vous souhaitez être dans la course pour les 20 et 30 prochaines années. Voilà exactement le sujet sur lequel je passe le plus de temps : avec qui? pour quoi faire? comment? et avec quelle prise de risque?”

“Un mariage non subi”
Décidément prolixe sur les raisons qui le pousse à préparer une telle alliance, Sébastien Bazin, précise en gros qu’il s’agit ne s’agit pas d’une alliance subie : “on n’est pas dans l’obligation de nouer un tel partenariat, mais on va le faire parce que c’est bon pour notre développement et nos équipes”.

Quand? “Dans les deux ans, assurément car nous avons eu déjà deux mutations digitales très fortes mais qui ont pris quinze ans. La première a été l’arrivée des OTA, les services de réservations professionnels, un changement considérable car cela a changé les relations de nos hôtels avec les clients, qui sont passés par ces spécialistes. La deuxième mutation digitale, quinze ans plus tard, c’était AirBnb et l’explosion de l’économie du partage. Il se trouve qu’en l’espace de 18 mois nous avons vécu deux nouvelles mutations : l’intelligence artificielle et le paiement en ligne. Les deux dernières sont tout aussi importantes que les deux premières. Donc avec un telle accélération de l’environnement nous devons être très rapide!”

Sourced through Scoop.it from: www.challenges.fr