Monthly Archives: December 2017

La Silicon Valley est-elle à la tête d’un empire colonial ?

Dans ce cas précis, Facebook a prétexté un engagement humanitaire pour développer son emprise sur un juteux marché : Free Basics promettait peut-être de connecter l’Inde à Internet, mais en réalité Facebook était le seul service proposé gratuitement. Au passage, l’offre contrevenait au principe de neutralité du Net, qui garantit l’égalité de traitement de tous les contenus sur Internet. Toute cette affaire n’est pas sans rappeler ce que le penseur Evgeny Morozov appelait, dans son livre Pour tout résoudre cliquez ici (FYP éditions, 2014), le « solutionnisme technologique ». Il y dénonce les illusions dont se berce la Silicon Valley, qui pense pouvoir résoudre des problèmes complexes à coups d’applications. Or, s’adapter au contexte local exige de bien le connaître, ce qui signifie aussi impliquer des ingénieurs qui en sont issus dans la conception des solutions proposées. « iEsclavage » Car les entreprises de la Silicon Valley entretiennent également dans leur manière même de travailler une asymétrie qui confine à la domination. Elles s’appuient sur une division internationale du travail qu’elles n’ont certes pas inventée, mais sur laquelle elles s’enrichissent grassement. Aux ingénieurs (mâles, blancs, américains) des pays du Nord la conception des nouveaux produits ; aux travailleurs pauvres des pays du Sud les tâches industrielles (assemblage de smartphones, recyclage des appareils, etc.) ou dématérialisées (plateformes de micro-travail). Toute cette masse d’emplois précaires assumés par des travailleurs du Sud pour asseoir la prospérité des géants du Nord peut être regroupée sous le terme digital labor, ou « travail numérique ». Pour le chercheur Christian Fuchs, ce phénomène n’est ni plus ni moins que le prolongement de l’exploitation de l’ère industrielle, car il « englobe tous les modes de production numérique ; un réseau agricole, industriel et informationnel de travail qui permet l’existence et l’utilisation des médias numériques. Aujourd’hui, la plupart de ces relations de production numérique sont façonnées par le travail salarié, le travail esclavagisé, le travail précaire et le travail freelance, faisant de la division internationale du travail un réseau interconnecté et complexe de processus d’exploitation ».

By |2017-12-01T18:48:21+00:00December 1st, 2017|Scoop.it|0 Comments

Faut-il démanteler Google ?

En 2018, Google fêtera ses vingt ans. Vingt ans durant lesquels le moteur de recherche imaginé au tournant du siècle par deux étudiants de Stanford a muté en une gigantesque pieuvre aux multiples tentacules. Dans un futur proche, cet empire numérique compte nous informer, nous guider, nous soigner, voire nous empêcher de mourir. Tout ça avec notre complicité, c’est-à-dire en s’appuyant sur les données personnelles qu’on lui fournit sans rechigner. Mais l’histoire économique récente montre que même les empires les plus solides en apparence ne sont pas indestructibles. Depuis quelques semaines, en Europe comme aux Etats-Unis, pleuvent les appels à démanteler les géants de la tech. Google est en première ligne. Alors le temps est-il venu de découper en morceaux le gros gâteau de Larry Page et Sergey Brin ?

By |2017-12-01T18:46:56+00:00December 1st, 2017|Scoop.it|0 Comments

Laurent Alexandre : « Les élites ne veulent pas partager l’intelligence »

Sur le sujet de l’intelligence artificielle, alors que beaucoup d’experts essaient de désenfumer le débat, vous agitez les peurs et véhiculez l’idée d’un grand remplacement. Tout en entretenant une ambiguïté : quand on vous voit aux côtés de Jean-Gabriel Ganascia, expert en intelligence artificielle, on aurait presque l'impression que vous êtes alignés… On me fait tenir un discours à la Musk, comme si je prétendais que les IA fortes [l’IA forte permettrait de reproduire un esprit sur une machine tandis que la faible permet de simuler des facultés cognitives : la reconnaissance de la parole, la compréhension du langage naturel, ou la conduite automobile, ndlr] arrivaient demain matin. Or j’y crois beaucoup moins que d’autres : j’établis dans mon livre 15 scénarios, et il n’y a qu’un scénario avec une IA forte. C’est mon intuition, mais je ne connais pas plus la vérité que vous. J’imagine un « zoo des intelligences » avec des IA semi-fortes et sans conscience artificielle mais faisant beaucoup de choses, avec des synergies complexes selon les types d'intelligence artificielle… Je ne crois pas aux IA fortes avant 2050. Après 2050 je suis pas capable de juger... Toutes vos prédictions se fondent quand même sur l’idée d’une IA capable de nous remplacer sur les tâches les plus qualifiées… Mais il n’y a pas besoin de conscience artificielle pour ça. Opérer un malade et conduire une voiture, c'est exactement la même chose, en termes de niveau d'IA. Il n'y a pas besoin d'IA forte pour remplacer le chirurgien. Ca fait plusieurs années que je le dis, on va révolutionner le marché du travail, la société et la civilisation, même si les IA n'ont pas de conscience artificielle. Même si on n'arrivait pas à dépasser le deep learning et à avoir des IA transversales, je pense qu'on aura quand même cette révolution sociale. « Les déprimés, les vieux, les vieux schnocks, les gens sous Prozac disent “c'est terrible, on va tous mourir, on va être dévorés, etc”... » Dans son livre Le Mythe de la Singularité, Jean-Gabriel Ganascia parle d’un « goût de la catastrophe » de la part des voix les plus alarmistes. Qu'en dites-vous ? Puisque vous faites partie de ceux qui prophétisent des cataclysmes... J’ai toujours dit que sur un tel sujet, on ne peut pas s'empêcher de projeter notre propre structure psychanalytique. Les mégalomanes vont vers la Singularité, l'immortalité, disent qu’on va conquérir le cosmos, puis empêcher la mort du cosmos. Les déprimés, les vieux, les vieux schnocks, les gens sous Prozac disent “c'est terrible, on va tous mourir, on va être dévorés, etc”… Effectivement, on projette nos angoisses de castration et nos angoisses mégalomaniaques sur le sujet. C'est pour ça que je fais peu de pronostics, je fais plutôt des scénarios. Parce que je sais que j'ai des angoisses de castration, spontanément j'ai des scénarios, j'ai des angoisses de type hollywoodienne contre lesquelles je n'ai cessé de résister, et en même temps j'ai une structure mégalomaniaque, et donc la Singularité, les exponentielles, malgré leur naïveté, m'attirent intellectuellement, et me plaisent. Mais je sais bien qu’on est dans le brouillard numérique. Mais beaucoup de gens vous écoutent, dans ce débat dont pas grand monde ne maîtrise la matière première. Et vous faites des prophéties... Mais je ne cesse de dire que je ne sais pas ! Et en réalité si tu n'es pas du tout anxiogène, personne ne bosse le sujet. C'est bien le problème. L’absence de réaction de l'Europe, de notre système éducatif, a conduit où on est : un début d’apartheid intellectuel, les GAFA, les BATX qui prennent le pouvoir. Et il y a juste des petits journaux avec des escaliers pas repeints depuis 1912 qui en parlent en faisant des tribunaux… pour les générations futures. La seule chose qu'on est capable de faire, c'est non pas couper et castrer les GAFA, c'est de faire des faux procès… C’est la théâtralisation dans l'impuissance, publique et privée. Alors il faut qu'on se mette à travailler. Je suis le premier à dire que l'IA n’est pas un problème technologique, c'est un problème politique. Par rapport à l'école, parce que je suis affolé de ce qu'on est en train de faire. Je radote, mais c'est ma thèse. Mon slogan : « il faut mettre des Montessori à la place des REP » [Réseaux d'éducation prioritaire, ndlr], j'y crois profondément, sinon je pense qu'on va avoir une situation révolutionnaire.

By |2017-12-01T18:43:35+00:00December 1st, 2017|Scoop.it|0 Comments

Antonio Damasio : « Je ne crois pas à des ordinateurs doués de conscience »

Autre conséquence directe, votre scepticisme à l'égard de l'intelligence artificielle... Entendons-nous bien : je suis tout à fait pour les recherches en intelligence artificielle (IA). Si nous avons demain des voitures autonomes qui causent moins d'accidents ou des robots-docteurs qui font des diagnostics plus sûrs que des médecins humains, tant mieux ! Mais je reste, il est vrai, assez sceptique quant à ce qu'on appelle l'« IA forte », la possibilité de construire des ordinateurs ou des robots doués de conscience, ou du moins de certaines des composantes de la conscience. A commencer par la subjectivité, cette conscience de soi qui fait par exemple que, lorsque je discute avec une personne, comme en ce moment avec vous, ma conscience ne se limite pas aux perceptions visuelles ou auditives de cette personne, il s'y ajoute le fait que je sais que je suis en train de discuter avec elle, que je me vois et m'entends en train de discuter avec elle. Car tout ceci - conscience, subjectivité - suppose un corps vivant régi par l'homéostasie, que par définition les ordinateurs ou les robots n'ont pas. Cela dit, un jeune doctorant de mon laboratoire, le Brain and Creativity Institute, est en train d'essayer de développer un programme d'IA reposant sur une simulation de corps vivant soumis à des processus de type homéostatique - et naturellement je le soutiens... Mais sans y croire vraiment ! Disons que je pense que l'IA mérite pleinement son qualificatif d'« artificielle ». Simuler des sentiments est possible, mais simuler n'est pas dupliquer. Tant qu'ils seront privés d'affects, les programmes d'IA, même très intelligents (bien plus que nous !), n'auront rien à voir avec les processus mentaux des êtres humains. Et tant qu'ils seront privés de corps vivants régis par les lois de l'homéostasie, ils seront privés de conscience et d'affects... Quid des transhumanistes et de leur rêve d'accéder à une certaine forme d'immortalité en téléchargeant leur esprit dans des mémoires informatiques ? C'est tellement naïf ! Que contiendrait ce téléchargement ? Certainement pas leurs expériences mentales. Encore une fois, les cerveaux et les corps sont dans le même bain, ils produisent conjointement ce que nous appelons l'esprit. Pour avoir le moindre espoir de voir se réaliser leur rêve, d'ailleurs bien discutable, les transhumanistes devraient en outre télécharger leur corps... et je me demande bien comment ils s'y prendraient. En soi, ces chimères me feraient plutôt sourire si elles n'exerçaient pas cet attrait sur tant de monde, en particulier les jeunes.

By |2017-12-01T18:22:15+00:00December 1st, 2017|Scoop.it|0 Comments

Le buzz des Etats-Unis : ces start-up qui courtisent les rondes

Une poignée de start-up a investi le segment des vêtements de grande taille, négligés par les grandes chaînes, mais qui résiste mieux que le reste de l'industrie. C'est l'un des rares segments qui continue de croître, dans une industrie totalement déprimée. Le marché des vêtements pour femmes rondes représente 21 milliards de dollars aux Etats-Unis, soit 10 % des ventes aujourd'hui, et résiste bien mieux à l'hécatombe qui frappe les grandes chaînes de prêt-à-porter outre-Atlantique. Ces dernières années, une vague de petites entreprises s'est donc positionnée sur ce marché, jugeant ces clientèles mal servies par les grandes marques, et connaissent une croissance à faire pâlir les grandes institutions. « On voit beaucoup de petites marques indépendantes faire beaucoup mieux sur ce marché que les grandes chaînes », explique Marshal Cohen, un analyste pour NPD interrogé par le « Wall Street Journal ». Les grandes marques à l'offensive prudente Selon les sources , entre 35 et 60 % des Américaines affichent une taille supérieure au 46, mais elles ont souvent du mal à s'habiller, l'industrie tendant à considérer qu'elles achètent moins de vêtements que la moyenne. Ce qui laisse de la place aux entreprises plus petites, comme Eloquii, qui double de taille chaque année depuis 2014 et a dégagé 80 millions de dollars de revenus cette année. Créées en 2015, ses concurrentes Eight & Sand et SmartGlamour affirment aussi croître rapidement. Ce dernier propose même d'ajuster les vêtements aux mensurations de ses clientes. Les grandes marques comme Michael Kors commencent timidement à s'intéresser à ce marché, ainsi que les chaînes comme H & M ou Target, qui proposent aussi des collections pour les grandes tailles. Si ces dernières ont tardé à investir, elles demeurent mieux armées que les petites structures pour faire fabriquer, en grande quantité, ces vêtements XXL.

By |2017-12-01T09:22:34+00:00December 1st, 2017|Scoop.it|0 Comments