Comment ont évolué les interactions homme-machine ?
Retournons quelques années en arrière, dans les années 50… À l’époque, les dispositifs informatiques étaient des centres de calcul : des machines fixes, très encombrantes, délocalisées dans des laboratoires spécialisés. C’était les humains qui devaient s’adapter à ces ordinateurs : vous deviez apprendre leur langage et être un expert du domaine pour espérer interagir avec eux…
 
L’étape suivante a été l’ordinateur personnel, notamment le Macintosh, en 1984, suite aux travaux du Xerox PARC dans les années 70. Cela a été un véritable choc ! L’ordinateur vous appartient, il est dans votre bureau, chez vous. On a d’abord développé ce PC de bureau, fixe, puis il y a eu ensuite le PC portable que l’on emmène partout avec soi : il y a cet aspect d’appropriation, de mobilité des machines qui s’est mis en place. Et enfin, ces premiers ordinateurs personnels étaient faits pour faciliter l’interaction. Ce n’est plus l’utilisateur qui doit apprendre le langage de la machine. C’est la machine elle-même qui facilite l’interaction, notamment grâce au modèle WIMP (Windows Icon Menu Pointer), métaphore du bureau.
 
Si, depuis les années 2000, on constate une miniaturisation des machines, la véritable rupture arrive avec l’IPhone en 2007.  C’est un nouveau paradigme, qui redéfinit en profondeur l’interface homme-machine, avec pour principal objectif de la rendre la plus adaptée possible à l’humain. Des décisions radicales sont prises : l’interface est entièrement tactile, sans clavier physique, avec un écran haute résolution multitouch, des capteurs de proximité éteignent l’écran lorsque le téléphone est porté à l’oreille, l’affichage est adaptatif en fonction de l’orientation du téléphone…
 
Les machines deviennent ainsi de plus en plus petites, de plus en plus mobiles, et de plus en plus proches du corps, comme les montres connectées et les dispositifs de biofeedback… Dans le futur, on pourrait imaginer des bijoux, des vêtements, des tatouages ! Et surtout, nos dispositifs sont de plus en plus intelligents, de plus en plus adaptés à nos besoins. Maintenant, ce n’est plus nous qui apprenons à utiliser les machines, ce sont elles qui s’adaptent à nous.
 
En ce moment, les médias parlent beaucoup des interfaces vocales, qui pourraient être la prochaine révolution des interfaces homme-machine.
Ce sont des technologies très intéressantes, qui font beaucoup de progrès et qui deviendront de plus en plus utiles. Il y a certes beaucoup de travaux menés sur ces interfaces vocales, et de plus en plus de services  sont disponibles, mais, pour moi, cela ne remplacera pas la souris et le clavier. Par exemple, ce n’est pas adapté pour faire du traitement de texte ou du dessin numérique ! C’est très bien pour certaines tâches précises, comme demander à son téléphone « trouve moi une séance de cinéma pour ce soir à 8 heures », en marchant ou en conduisant, ou pour les manutentionnaires qui doivent donner des instructions à des machines tout en ayant les mains prises. Mais la bande passante interactionnelle, soit la quantité d’informations que vous pouvez transmettre par cette modalité, reste limitée. Aussi, pour une utilisation quotidienne, des questions de confidentialité se posent : avez-vous envie de parler à voix haute à votre smartphone dans le métro ou au bureau ?
 
On entend aussi beaucoup parler des interfaces cerveau-machine…
Ce sont des technologies prometteuses, notamment pour les personnes lourdement handicapées. Mais on est loin d’une utilisation grand public, pour du jeu vidéo par exemple, qui requièrent une grande rapidité d’interaction… Ce sont des technologies lentes et contraignantes. À moins d’accepter de se voir implanter des électrodes dans le cerveau, il faut porter un filet d’électrodes sur la tête, qui doivent être calibrées pour ne pas bouger, et souvent les enduire de gel conducteur pour améliorer leur efficacité.
 
On peut faire face à un phénomène de bond technologique qui rendra possibles prochainement des applications à destination du grand public, mais je pense que beaucoup d’autres innovations seront sur le marché avant les interfaces cerveau-machine.
 
Vers quels champs d’innovation les interfaces homme-machine vont-elles se tourner ?
Il y a beaucoup de possibilités, les recherches actuellement menées sur le sujet sont très variées ! Les interactions gestuelles, par exemple, sont au centre de nombreux projets, et certains dispositifs sont déjà commercialisés. L’idée est d’utiliser des gestes 2D ou 3D, le type de toucher et la pression pour interagir avec son smartphone, son ordinateur, sa télévision…  Au sein de Télécom ParisTech, nous avons par exemple développé un prototype de montre intelligente, Watch it, qui peut être contrôlé grâce à un vocabulaire de gestes. Cela permet d’interagir avec l’appareil sans même le regarder !

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