La création d’un marché numérique unique est indispensable. Le défi pour l’Europe est de créer un terreau fertile afin que des entreprises européennes, aujourd’hui limitées à un marché national (par exemple les 66 millions d’habitants français), puissent agrandir leur terrain de jeu et ainsi concurrencer les géants technologiques chinois et américains. Car les chiffres sont inquiétants. Si aux Etats-Unis on compte près de 106 licornes (une start-up dont la capitalisation boursière est valorisée à plus d’1 milliard d’euros), il n’y en aurait que 17 en Europe. Il s’agit là de bien plus qu’un simple combat de coqs : au vue des transformations que la technologie entraîne avec elle, sur le long terme la souveraineté de la région est en jeu.
 
Aujourd’hui les géants américains dominent le marché lorsqu’il s’agit de créer et d’entraîner des systèmes algorithmiques “intelligents” à partir de données d’utilisateurs (de Google, Apple, Facebook, Uber, etc.). Alors que les décisions deviennent de plus en plus automatisées et assistées grâce à leur utilisation, la question de l’accessibilité de l’information se pose. Si un pays n’est plus en mesure d’ouvrir lui-même la “boîte noire” de ces logiciels afin de mieux comprendre ses décisions, il est dépendant de la volonté d’un fournisseur étranger, lequel accroît de ce fait son pouvoir de négociation. Ce sujet est particulièrement sensible lorsqu’il s’agit de données de sécurité nationale : si l’État français ne peut développer sur son territoire les technologies capables d’assurer sa sûreté dans un monde digital, doit-il recourir aux outils américains ou chinois ? Un pays peut-il être indépendant lorsqu’il s’en remet à une organisation étrangère pour miner de telles informations ?
 
De plus, la dépendance est également économique. Aujourd’hui, on peut raisonnablement estimer que la balance des échanges en matière de services numériques est déficitaire de plusieurs milliards d’Euros. De l’autre côté, les exportations numériques françaises ne représentent pour l’instant que des montants faibles, si ce n’est marginaux. Ce phénomène ne va pas en s’améliorant : demain, avec l’avènement de services considérés comme vitaux, tels que les smart grids (des réseaux d’énergie utilisant des calculs algorithmiques pour réguler la quantité d’énergie produite et distribuée en fonction de la consommation d’une zone géographique) ou les logiciels bancaires (permettant l’automatisation des transactions), ce déséquilibre pourrait atteindre une part significative du PIB national.
 

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