Notre identité est en jeu

« Big brother is watching you », avait imaginé George Orwell il y a soixante-dix ans. Aujourd’hui, Big Brother ne se contente pas de vous regarder. Il influe sur vos achats et vos votes. Il échappe à la loi (fiscale, par exemple). Demain, il pourrait choisir de vous tuer (en jugeant par exemple qu’il vaut mieux que ce soit votre voiture qui aille dans le ravin plutôt que le car scolaire en face, ou que vous n’avez plus l’âge de recevoir des soins médicaux coûteux). Au forum de Davos, où l’on se passionne depuis longtemps pour les technologies de l’information, l’industrie du numérique était comparée cette année à celle du… tabac.

Le ressentiment est d’autant plus fort que les techniques numériques couvrent un champ très vaste. Ce sont des « general purpose technologies », qui ont un impact sur l’ensemble de la société, du plus intime au plus global. Nos données personnelles sont manipulées pour nous convaincre d’acheter, voire de voter. C’est notre identité qui est en jeu. Des algorithmes font des choix tellement opaques qu’ils éveillent fatalement des soupçons de discrimination. C’est la justice qui est menacée.  La concurrence est bousculée par l’émergence de nouveaux acteurs. Les uns profitent de la loi de Metcalfe (l’utilité d’un réseau est proportionnelle au carré du nombre d’utilisateurs) pour aller vers des monopoles. Les autres n’ont pas les mêmes règles à respecter, en matière, par exemple, de droit du travail ou de cotisations sociales. C’est l’équité qui est en cause. Les géants numériques ont conçu leur architecture afin de minimiser légalement leurs impôts. C’est l’Etat qui est fragilisé. L’automatisation va s’étendre en faisant  disparaître des dizaines de millions d’emplois . C’est le contrat social qui risque d’être emporté.

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