Proposer aux internautes de vendre leurs données est une mauvaise idée. Car une donnée personnelle n’est pas quelque chose que l’on produit, mais qui dévoile qui l’on est. Il n’y a rien de plus précieux.

A quelques mois de l’application du Règlement européen de protection des données personnelles  (RGPD), voilà que se développe l’idée que la meilleure manière de protéger les données  serait de les rendre payantes. On entend bien l’argument qui séduit au premier abord. Si c’est cher, les grandes plates-formes n’achèteront que l’utile et arrêteront de collecter le superflu. Et surtout, les producteurs des données, c’est-à-dire nous tous, seront financièrement rétribués pour toutes nos données. Mais gardons-nous d’une telle tentation.

Les géants du numérique qui veulent collecter le maximum de données personnelles pour nourrir des services qu’ils savent incontournables, pourront imposer leurs conditions tarifaires dans des contrats qu’aucun internaute n’aura jamais la liberté de négocier.

Ce sera – au mieux – tant de poussières d’euros pour tous ces messages qui disent tout de vos loisirs et de vos amis, et tant de centimes pour cet historique de recherches qui permet au moteur de tout deviner de votre sexualité, votre religion, vos idées politiques ou votre état de santé. Ce sera à prendre ou à laisser, car il n’y a, en matière de données personnelles, aucune négociation collective possible. Et l’inévitable inflation imposera d’en dévoiler toujours davantage, car les données vaudront de moins en moins.

Une conception d’un autre temps

Vouloir que les femmes et les hommes puissent vendre leurs données, c’est permettre au fond que les forts puissent profiter des faibles et arracher à vil prix ce qui fait de chacun d’eux un humain différent d’un autre. C’est une conception d’un autre temps aux effets redoutables. Une donnée personnelle n’est pas quelque chose que l’on produit, mais qui dévoile qui l’on est. Il n’y a rien de plus précieux.

La vie privée n’est pas qu’un droit, c’est une liberté fondamentale.
La vie privée n’est pas qu’un droit, c’est une liberté fondamentale. Elle est une fondation sur laquelle repose notre capacité d’agir, de communiquer, de penser librement. S’il vous faut constamment dévoiler ce que vous faites, ce que vous lisez, ce que vous pensez, ce que vous dites aux autres, vous le ferez en anticipant ce qui pourrait en être déduit, par exemple par les intelligences artificielles censées vous assister. Vous changerez alors de comportement pour ne pas être mal jugé par elles. Ou vous fermerez les yeux sur le pouvoir donné à ceux qui les contrôlent. Dans les deux cas, vous renoncerez à ce qui fait de vous un être humain libre de vos actions.

A cet égard,  le RGPD n’est pas un simple texte technique, c’est un changement de paradigme et une chance pour l’industrie européenne. L’Europe exige des entreprises qu’elles fassent tous les efforts possibles pour réduire le volume des données personnelles qu’elles collectent. Elle demande d’entrer dans une démarche de développement numérique durable.

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