Les Google, Facebook et autres Apple ont longtemps joué la carte de l’image, mettant en avant leur différence par rapport aux entreprises traditionnelles et basant leur modèle sur la confiance. Cette époque est terminée. Leur réputation souffre et cette relation particulière avec leurs utilisateurs pourrait bien se retourner contre eux.

Ils ont contribué à façonner une société de l’image, où l’apparence compte au moins autant que les faits. Le retour de boomerang s’annonce rude pour les Gafa. Selon l’étude annuelle de Harris sur la réputation des marques, Apple a chuté en un an de la 5e à la 29e place du classement et Google de la 8e à la 28e. Facebook, de son côté, occupe le 51e rang. Et le sondage a été réalisé entre décembre et janvier, avant l’affaire Cambridge Analytica… Seul Amazon semble épargné par cette subite désaffection : le groupe de Jeff Bezos arrive en tête du classement.

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L’époque où ces sociétés paraissaient sympathiques, en marge de l’establishment, parfois rebelles et engagées, est bel et bien révolue. La liste des griefs est longue, et elle n’est pas forcément nouvelle : optimisation fiscale, produits décevants, immersion dans la vie privée…

Tant que ces critiques n’émanaient que d’une certaine frange de la population (classe politique, concurrents…), elles ne semblaient pas vraiment atteindre les Gafa. Ceux-ci ont augmenté au fil des ans  leurs dépenses de lobbying , recruté d’anciens membres de l’administration sur leurs marchés clefs, fait traîner les procédures, racheté ou étouffé les concurrents trop gênants… Et, lorsque des affaires écornaient leur réputation auprès de leurs utilisateurs, Google et autres Facebook mettaient en avant des produits « fun » ou des initiatives qui sortaient de l’ordinaire : le « Google Day », un jour dans la semaine où les employés peuvent se consacrer à un projet personnel, des bureaux offrant des espaces de détente et de loisirs, des solutions pour apporter Internet aux populations qui ne sont pas connectées… Le slogan même de Google reprenait cette ligne de conduite : « Don’t be evil » (« ne soyez pas malveillants »).

Point de non-retour

Depuis peu, toutefois, la donne semble avoir changé. Le grand public n’entend plus les arguments des patrons de la Silicon Valley. Un point de non-retour semble avoir été atteint dans différents domaines : la qualité des produits et l’obsolescence programmée chez Apple, les données personnelles chez Google et Facebook, l’éthique chez Uber…

Après l’avoir longtemps ignoré, l’opinion publique américaine est ainsi mûre sur le sujet des données personnelles. Le pays a subi des piratages et des pertes de données d’envergure ( Yahoo! ), touchant le coeur du modèle américain et de la vie quotidienne. Ce fut le cas cet été de  l’affaire Equifax , cette agence qui évalue la solvabilité de millions de personnes et qui a perdu dans la nature des données concernant près de la moitié de la population ! Il ne manquait qu’une affaire politique. Elle est arrivée avec Cambridge Analytica, sur une plate-forme, Facebook, déjà accusée d’avoir eu une influence sur l’élection de Donald Trump et de créer par son algorithme des « bulles » isolant des groupes de population.

Pour Glenn Reynolds, professeur à l’université du Tennessee et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, le changement est clair. « Là où, il y a une décennie, les produits de ce monde de la tech servaient à libérer les gens du contrôle des grandes institutions, ils semblent désormais conçus pour nous garder à leur merci. Avant, les gens tenaient un blog pour s’exprimer. Maintenant, ils communiquent via des réseaux sociaux en situation de quasi-monopole, qui les font taire et les excluent sur des sujets politiques.  » Ce professeur, conservateur, avait pourtant écrit il y a dix ans un livre pour vanter le mérite de ce nouveau genre d’entreprises.

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