Longtemps on a pu croire et redouter que la globalisation finirait à force de standardisation par ne créer que des espaces vides de sens et d’identité, où l’individu aliénerait son rapport à la vérité des lieux. Des sortes de “ non-lieux ” au sein d’un village global et globalisé. Or, comme le montre magistralement le géographe Michel Lussault dans son dernier ouvrage ” Hyper-lieux “, les nouvelles géographies de la mondialisation, la réalité est bien plus complexe et la dialectique tout autre. Car il ne s’agit pas, “ d’opposer l’uniformisation à la localisation, mais de les mettre en tension ” pour comprendre qu’elles ne sont que les facettes d’un même phénomène. La mondialisation produit du générique, diffuse partout des genres de vie et d’espaces standards et en même temps recrée de la localisation et ressuscite partout des différenciations.
 
Ainsi, le monde est à la fois toujours plus globalisé et homogène et de plus en plus localisé et hétérogène. Le village est bien global (“ nous tenons avec notre smartphone le monde en main ”, comme le dit le philosophe Michel Serres), mais ni uniforme ni standardisé. Il se restructure au contraire en quartiers, en “ hyper-lieux ” note Michel Lussault, connectés et reliés entre eux, mais chacun territorialisé, projetant une identité distincte et s’offrant comme espace privilégié de sociabilité pour les individus. Ainsi, le territoire n’est, pour paraphraser Coluche, “ ni pour, ni contre ” la mondialisation, “ bien au contraire ” : il est dedans. Il s’offre comme espace approprié pour les individus, c’est-à-dire à la fois comme espace propre à soi et comme espace propice à profiter du monde. Car la mondialisation permet au fond aux individus de jouir de trois choses, explique encore Lussault :
 
• Un ancrage dans des lieux où l’on peut s’arrêter, se poser, “ reprendre pied ” au sens premier du terme (et on en a besoin), mais desquels on peut aussi repartir.
• Un mouvement, des mobilités aujourd’hui perçues autant comme un désir que comme un droit.
• Enfin, des communications, des connexions, réelles et numériques, au vaste monde.

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