Avec l’irruption à Washington d’un président agressif et dépourvu de principe, les Européens ne peuvent plus se contenter d’être « l’idiot du village planétaire ». L’Union voit enfin s’ouvrir la possibilité de jouer un rôle majeur sur le plan géostratégique. A condition de parler d’une même voix.

Ils l’ont pressenti dès son élection, ils le savent désormais de façon certaine : avec Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, les Européens vont devoir « prendre leur destin en main ».

Ami ou ennemi ?

C’est Angela Merkel, la chancelière allemande qui, la première,  avait utilisé cette formule, à l’époque où Donald Trump menaçait de se désengager de l’Otan. Depuis, le président américain a multiplié les attaques. Sur le terrain commercial, d’abord, avec l’annonce de taxes sur l’acier et l’aluminium illégitimes au regard des règles de l’OMC. Sur le terrain diplomatique ensuite, avec notamment la sortie de l’accord avec l’Iran. Au point que Donald Tusk, le président du Conseil européen – l’institution qui rassemble les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union –  est sorti de ses gonds, à Sofia, mercredi . « Avec des amis pareils, qui a besoin d’ennemi ? » a-t-il fustigé.

Période d’instabilité

Certes, l’inquiétude est légitime devant l’ère d’instabilité qu’ouvre le nouvel unilatéralisme américain. Mais c’est aussi une chance majeure qui se présente pour l’Union européenne. Navire construit pour la navigation par temps calme, l’Union a fait la preuve ces dernières années, avec les ajustements de la zone euro, qu’elle savait se donner les moyens d’affronter le gros temps économique. Elle est aujourd’hui au pied du mur et se doit de faire de même au plan géostratégique.

Si l’unilatéralisme américain peut être la chance de l’Europe, c’est d’abord parce qu’il offre à celle-ci un boulevard pour occuper seule le terrain qu’elle partageait souvent, jusqu’à présent, avec Washington : celui consistant à mettre en avant la primauté du droit international sur la force. Face à des Etats-Unis au comportement imprévisible, « l’Union européenne a le droit international dans son ADN et fera tout pour protéger les institutions qui en sont les gardiennes », résume un haut diplomate européen.

Ne pas céder au chantage

Quand Washington tente  de détricoter l’OMC , c’est à l’Europe d’opposer une attitude de fermeté. Quand les Etats-Unis se retirent de l’accord iranien, c’est à l’Europe de trouver une voie alternative avec Téhéran, basée sur le respect des engagements. Face aux menaces américaines en matière commerciale, c’est l’Europe, encore elle, qui refuse de plier devant ce qu’elle considère comme un chantage sans fondement. La négociation, oui, mais la loi de la jungle, non.

Si l’identité dépend autant de la perception qu’on a de soi que de celle que nous renvoient les autres, alors ce nouvel environnement international déstabilisé redonne à l’Europe le lustre qui lui faisait défaut.

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