Des outils de production toujours plus capitalistiques
La croissance a déterminé, et détermine encore, le sens du progrès : vers le « toujours plus ». Science, sport, mobilité, énergie… Les outils de production sont toujours plus capitalistiques : la quantité de capital pour les mettre en place est toujours plus importante. Ainsi, en biologie, la génétique « moderne » n’existe pas sans les machines qui permettent d’analyser le génome. En astrophysique, impossible d’observer les étoiles lointaines sans les télescopes orbitaux. En sciences humaines, l’utilisation du numérique progresse pour interroger les textes, les faire circuler, les rendre accessibles à la Terre entière pourvu que l’on possède un terminal adapté. En sport, comment comprendre que les records ne cessent de tomber sans s’intéresser au matériel utilisé ? Les tours du monde à la voile le montrent bien : même le marin le plus doué du monde ne remporterait aucune course sans une « Ferrari » des mers…

Cette accumulation de capital, par-delà le jeu de marchés supposément concurrentiels, constitue le cœur du progrès qui s’est mis en place progressivement à partir du XIXe siècle. Un processus bien décrit par Marx dans ses ouvrages : les capitalistes achètent, vendent, mais surtout accumulent.

Le gagnant rafle tout
Ce progrès est déterminé par des règles et normes qui laissent beaucoup de marges de manœuvre à l’entrepreneur, que celui-ci soit privé ou même public (les économies socialistes ont en effet été décrites comme structurées par un État entrepreneur). Cette analyse n’est pas datée, comme le montrent tout autant la réussite actuelle de la Chine « communiste » que l’importance de la planification à tous les étages des entreprises « privées » et de l’économie. Si la gestion ou le marketing stratégique ne prévoient pas à dix ou vingt ans, ils contribuent à stabiliser le processus dans le sens de l’accumulation. À ce titre, le modèle de la Silicon Valley est édifiant : des milliards d’argent public, des start-up achetées à 99 % par des grands groupes qui ne cessent de croître…

C’est le fameux « winner take all ». L’adage est souvent associé au numérique, pourtant les choses n’étaient pas différentes avant son émergence : dans le domaine de l’automobile par exemple, les centaines de constructeurs qui existaient ont laissé la place à une dizaine.

Implication citoyenne, conséquences : les grandes oubliées ?
Dans ce contexte, la part du citoyen est limitée : il est surtout envisagé comme une matière malléable, destinataire de biens et de services qui sont, nécessairement, des progrès. Son comportement n’est interprété, dans les décisions et théories dominantes, que comme un insatiable glouton ne cherchant qu’à maximiser son bon plaisir.

L’exemple du numérique le montre à l’envi : au départ, nous étions sur un marché de l’offre, et non de la demande. Le désir était faible. Il a été suscité par des discours enflammés tels que ceux d’Al Gore et de bien d’autres responsables publics sur les « autoroutes de l’information », ou ultérieurement de Barack Obama sur les smart cities. Les conséquences prévisibles de cette explosion du numérique, telles que les déchets, la consommation d’énergie ou la dépendance ont été ignorées, car contraires au progrès.

Sourced through Scoop.it from: www.up-magazine.info