Le mouvement locavore : un fait social majoritaire
Le territoire s’offre alors en lieu de résistance et de mise en pratique d’une consommation authentique, vraie, saine et non frelatée. Le mouvement locavore n’est plus une tendance émergente, il est un fait social majoritaire. C’est ce que révèle notre enquête : 88 % des Français disent privilégier la consommation de produits locaux et 80 % sont encore prêts à des efforts supplémentaires pour parvenir à plus d’authenticité dans leur consommation. Il est bien loin le temps où le désir d’une consommation plus authentique n’apparaissait que comme la lubie de bobos urbains ou d’écolos babas retranchés dans leurs campagnes. Après avoir été longtemps différencié en termes d’âges ou de catégories socioprofessionnelles, le profil des acheteurs de produits alimentaires bio est désormais très proche du profil “ moyen ” des Français. 85 % ont consommé des aliments bio en 2016 et une très large majorité de femmes (68 %) a acheté un produit cosmétique bio au cours de cette même année8. Dans les territoires, les preuves de cet appétit pour l’authentique sont innombrables. Les AMAP et leurs paniers de légumes et de fruits de saison continuent de croître, on en compte plus de 2 000 aujourd’hui quand elles n’étaient encore que 700 il y a cinq ans. Les vins “ naturels ” sont de plus en plus mis à l’affiche par les restaurateurs et les cavistes. Les microbrasseries se développent de façon exponentielle. La presse quotidienne régionale fourmille d’articles sur ces brasseries de proximité.
Les Rennais ont soif de bière artisanale, nous dit ainsi Ouest France pour illustrer ce mouvement9. Des microbrasseries ne cessent d’éclore, en plein cœur urbain, à Montreuil par exemple, ou en pleine zone rurale, on en compte sept dans le seul département de la Creuse. Leur nombre a doublé en cinq ans, on en recense près de 1 000 aujourd’hui. Avec toujours la même recette : une bière locale, artisanale, élaborée à partir de matières produites sur place et désireuse d’incarner un territoire, un terroir. Une bière “ fait maison ” authentique dans sa composition, ses saveurs et son histoire. Chacun peut même s’y rendre pour créer, fabriquer et embouteiller sa propre bière.
Toujours à la pointe quand il s’agit de saisir les tendances et les aspirations des consommateurs, les marques tentent de surfer (on verra un peu plus loin qu’il n’est pas certain qu’elles y parviennent véritablement) sur ce besoin d’authenticité. Si l’on cherchait un signe supplémentaire de la puissance de ce besoin d’authenticité, on le trouverait ainsi aisément dans les campagnes publicitaires de la grande distribution. Dans celle d’Intermarché, faisant la promotion des légumes et des fruits “ moches ” et affirmant par là sa volonté de lutter contre le gaspillage alimentaire. Dans celle, toute récente, de Carrefour, mettant en valeur la vente de légumes “ interdits ”, c’est-à-dire de légumes rares de terroir dont les semences ne peuvent être commercialisées, aux noms poétiques comme l’artichaut Camus du Léon, la courge butternut Kouign Amann ou les haricots cocos du Trégor. Ou encore, dans celle de Fleury Michon : “ Venez vérifier ”, invitant tous les consommateurs à venir par eux-mêmes constater l’origine et la fabrication des produits pour répondre aux nouvelles exigences de traçabilité et de transparence. Pour résister et tenter de faire écho à ce besoin de naturel, les marques rivalisent toutes désormais dans le marketing du “ sans ” : sans huile de palme, sans conservateurs, sans exhausteurs de goût, sans nitrites désormais, depuis qu’un livre fortement médiatisé a alerté sur les dangers de la charcuterie industrielle.
C’est une tendance puissante et majoritaire : on veut mieux manger aujourd’hui. Pour le goût, parce que manger reste un plaisir. Pour soi, pour rester en forme et en bonne santé. Pour la planète aussi, en étant acteur et artisan de pratiques plus éthiques et respectueuses du vivant. Pour plus de huit Français sur dix, il n’est plus possible de consommer sans faire attention au gaspillage alimentaire, au respect du bienêtre animal et à la diminution des emballages plastique. L’alimentation devient ainsi le champ d’une consommation plus morale et vertueuse, où l’on tente à la fois d’être plus en accord avec soi-même et d’agir à son niveau contre les dysfonctionnements du monde. La même logique préside à l’engouement pour les médecines douces et les plantes. Dans notre enquête, deux tiers des Français (55 % des hommes et 72 % des femmes) disent avoir recours à des plantes et des huiles essentielles pour leur santé et leur bien-être.
Sourced through Scoop.it from: www.influencia.net
Leave A Comment