Excellent edito.

 

Les industriels français investissent beaucoup plus que leurs rivaux et perdent pourtant des marchés. Ce paradoxe pourrait avoir une explication simple : ces dépenses servent à concevoir en France des produits fabriqués à l’étranger.

Voici deux constats. Distinguez le vrai du faux. Constat numéro un : les industriels français perdent des parts de marché. Constat numéro deux : les industriels français investissent beaucoup plus que leurs rivaux étrangers. Vous avez fait votre choix ? Perdu : les deux constats sont exacts ! Le premier semble évidemment couler de source. Il est scandé chaque mois par les résultats désastreux du commerce extérieur français. Le second est beaucoup moins évident dans un pays où l’appel à l’investissement est devenu une rengaine du débat économique. Et pourtant… L’industrie française consacre 26 % des richesses qu’elle engendre (valeur ajoutée) aux dépenses de préparation de l’avenir, contre 20 % pour l’Espagne, 19 % pour l’Allemagne, 18 % pour le Royaume-Uni. Et ce surinvestissement déborde le seul secteur manufacturier, puisqu’il se retrouve à l’échelon du pays.

Plus d’argent pour les logiciels

Deux organismes de réflexion, la Fabrique de l’industrie et France Stratégies, ont eu la bonne idée d’explorer ce paradoxe français. En mobilisant de nombreuses sources, leurs experts dressent un portrait méconnu du tissu économique national. L’industrie française, donc, investit davantage que ses rivales de la plupart des pays avancés. Néanmoins, elle dépense sensiblement moins pour les achats de machines et d’équipement. Pour les ordinateurs et autres produits des technologies de l’information et de la communication, les budgets sont du même ordre de grandeur. En revanche, les industriels français consacrent beaucoup plus d’argent aux logiciels, aux bases de données et, dans une moindre mesure, à la recherche-développement et au marketing.

Il faudra bien sûr affiner l’image. Malgré les efforts d’harmonisation, les statistiques peuvent refléter des arbitrages différents d’un pays à l’autre. Des dispositifs fiscaux comme le crédit d’impôt recherche peuvent aussi tordre la répartition. Mais le portrait pose déjà une question majeure.

« Designed in California »

Tout se passe comme si l’industrie française basculait vers le modèle Apple : elle conçoit au pays et fabrique ailleurs (la firme américaine indique sur ses produits « designed in California » puis « made in China »). Ou vers le modèle Renault plutôt que Peugeot-Citroën : le premier conserve un énorme technocentre à Guyancourt en assemblant proportionnellement beaucoup plus de voitures à l’étranger que PSA. L’actionnaire s’en réjouira sans doute. Le salarié, le maire, le fournisseur beaucoup moins. Il faudra alors revenir aux raisons tristement banales de cette fugue de l’investissement. Impôts et cotisations, droit du travail, climat social… Malgré les efforts déjà accomplis, la France est encore loin d’être redevenue attractive.

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