Leurs investigations aboutirent à un diagnostic glaçant : si aucune mesure n’est prise pour contrer les changements prévus dans la population mondiale et l’occidentalisation des régimes alimentaires, les impacts environnementaux du système alimentaire pourraient augmenter de 50 à 90 % d’ici 2050. « Le système alimentaire mondial a fondamentalement modifié notre planète et les ressources dont dépend l’humanité », affirme Marco Springmann. « La production alimentaire est responsable d’environ un quart de toutes les émissions de gaz à effet de serre et constitue donc un moteur majeur du changement climatique, poursuit-il.L’agriculture occupe plus d’un tiers de la surface terrestre et a entraîné une réduction du couvert forestier et une perte de biodiversité. L’agriculture utilise également plus des deux tiers de toutes les ressources en eau douce, et la sur-application d’engrais dans certaines régions a créé des zones mortes dans les océans. »
 
Dans cette étude, les auteurs avaient eu le mérite de mettre en évidence comment la production et la consommation alimentaires affectent les "frontières planétaires" de la Terre, ces « frontières planétaires clés qui définissent un espace d’exploitation sûr pour l’humanité, au-delà duquel les écosystèmes vitaux de la Terre pourraient devenir instables ».
 
Dans les écosystèmes vitaux de la planète, ces « frontières planétaires », les sols jouent un rôle majeur. Or un bon tiers de la couche arable de la planète est déjà gravement dégradée et perdue en raison de l’intensification de l’agriculture. Si les taux actuels d’épuisement se maintiennent – 25 milliards de tonnes de sol par an – l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture estime que les sols de surface disparaîtront d’ici 60 ans avec des coûts économiques énormes et une menace d’insécurité alimentaire pour des milliards de personnes. Pour un spécialiste de la question, Peter Horton, conseiller en recherche du Grantham Centre for Sustainable Futures de l’Université de Sheffield, au Royaume-Uni « Il s’agit d’une catastrophe mondiale potentielle ». Les solutions technologiques pour réduire l’impact environnemental de la production alimentaire doivent inclure la conservation et la régénération des sols. Cela fait longtemps que de nombreuses voix – comme celle de Vandana Shiva – se font entendre pour alerter : « Le sol et non le pétrole est l’avenir de l’humanité ». Ce que nous faisons au sol, nous le faisons à nous-mêmes. Et ce n’est pas un hasard si les mots "humus" et "humain" ont la même racine étymologique.
 
Changements et résistances
Pour éviter de franchir allègrement nos frontières planétaires et affamer une immense partie de la population humaine, les auteurs de l’étude d’Oxford appellent à combiner plusieurs mesures pour atténuer suffisamment la pression sur l’environnement. Trois changement clés doivent être mis en œuvre ; ils concernent notre modèle alimentaire —manger plus de plantes et moins de viande—, ensuite notre attention au gaspillage —il faudra réduire de moitié nos déchets alimentaires si nous voulons rester à l’intérieur des limites environnementales de la planète — et enfin et surtout, mettre en œuvre une véritable révolution dans nos pratiques agricoles.  
 
Or c’est sur ce dernier point que la révolution se heurte aux plus grandes résistances. Les écosystèmes aménagés par les agriculteurs devront viser le plus possible la prise en compte des milieux domestiqués dans toute leur complexité. Une approche systémique envisageant à la fois les interactions entre les végétaux, les hommes et les animaux, d’une part, mais aussi entre les facteurs biologiques, physiques et climatiques, d’autre part. Ce qu’ignore pour une large part l’agriculture intensive qui grignote toujours plus de forêts et d’espaces naturels, qui vise le rendement à l’hectare en ignorant la valeur ajoutée à l’hectare ; celle qui résulte de la différence entre ce que l’on produit et ce que l’on détruit. L’agriculture intensive produit beaucoup mais en détruisant beaucoup aussi en employant des produits chimiques et des carburants fossiles. Les tenants de cette agriculture ont un argument massue pour justifier leurs pratiques : elles sont indispensables pour nourrir suffisamment les humains qui peuplent notre Terre.

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