FaceApp est développée par l’entreprise Wireless Lab, créée à Saint-Petersbourg et installée désormais à Skolkovo, un parc d’activités de haute technologie près de Moscou souvent surnommé « la Silicon Valley russe ». Son patron se nomme Iaroslav Gontcharov. Si l’on en croit son compte LinkedIn , ce diplômé en sciences informatiques a travaillé pour diverses entreprises dont Microsoft, avant de créer FaceApp en 2014. Sa nationalité n’est pas sans inquiéter aux Etats-Unis, où un sénateur démocrate a appelé à une enquête de police , mais aussi en Europe. Voisins du pays de Vladimir Poutine, la Pologne et la Lituanie ont notamment annoncé qu’elles prendraient une décision au sujet de FaceApp prochainement sur la base des analyses conduites par leurs experts. Gontcharov a cependant tenu à les rassurer en précisant que les données que l’application collecte ne sont pas transférées à qui que ce soit en Russie, même si l’entreprise y est installée.

Comment l’entreprise se rémunère-t-elle ?

Interrogé par BBC News , Gontcharov a affirmé que FaceApp ne revendait pas les données qu’il collecte à des fins de ciblage publicitaire. L’application étant gratuite, elle ne ferait donc du bénéfice que grâce à l’abonnement premium qu’elle propose, selon ses dires. Si le très populaire filtre qui vieillit est gratuit, il faut en effet s’abonner (20 euros par an) pour avoir accès à tous les filtres disponibles et utiliser l’application sans publicités.

Comment l’application vous vieillit-elle ?

FaceApp n’est pas la première application à proposer des filtres qui transforment le visage. Snapchat l’a fait bien avant avec un aussi grand succès. Mais si, aujourd’hui, l’application est devenue si populaire, c’est grâce au réalisme des résultats qu’elle offre. Son secret ? Un logiciel d’apprentissage automatique qui se perfectionne grâce à la banque de données constituée par les photos des millions de ses utilisateurs. Plus il y a de photos, plus l’algorithme s’améliore.

Mes données sont-elles protégées ?

Oui et non. En utilisant l’application, vous devez accepter les conditions générales d’utilisation (CGU) dans lesquelles il est écrit que « vous garantissez à FaceApp un accès perpétuel, irrévocable, non exclusif, libre de droits […] pour la reproduction, modification, adaptation, publication, traduction, créations dérivées, distribution, publicité et diffusion avec vos contenus ».
L’application conserve alors les « contenus de l’utilisateur », c’est-à-dire les « messages, textes, photos, vidéos et logiciels » utilisés par l’utilisateur uniquement dans l’application. Elle n’a donc pas accès à votre bibliothèque de photos sans votre consentement, et ne conserve pas non plus sur ses serveurs la version originale de la photo que vous avez envoyée.
Reste le problème de la photo modifiée, que Wireless Lab a fini par régler. Face à l’ampleur de la polémique, l’entreprise derrière l’application a tenu à préciser que la « plupart » des photos modifiées étaient supprimées de ses serveurs au bout de 48 heures. Une affirmation un peu vague, même si, comme dit précédemment, l’entreprise déclare ne pas partager ses données.

L’Europe a-t-elle une prise sur FaceApp ?

« Le RGPD (Règlement général sur la protection des données, NDLR) impose de clarifier la finalité de l’application dans les CGU. Si je collecte une photo pour la stocker uniquement 48 heures, je n’ai pas le droit de l’utiliser après », explique Nicolas Chagny, président de l’Internet Society France, une ONG internationale qui défend les droits des utilisateurs d’Internet.
« Mais le règlement stipule également que le consentement doit être explicite dès la conception d’un site ou d’une application, et il faut définitivement que ces créateurs arrêtent de penser qu’ils peuvent noyer le consentement dans des CGU incompréhensibles. Donc oui, Wireless Lab n’est pas en conformité avec le RGPD et pourrait recevoir une amende car il fait manifestement preuve de négligence », résume-t-il.
« On assiste une fois de plus à la dérive qui consiste à collecter toujours plus de données pour soi-disant améliorer l’expérience utilisateur », déplore-t-il. Mais, face aux questions soulevées par FaceApp, il reconnaît qu’il y a « un frémissement de prise de conscience, pas encore suffisant, mais un début de demande des utilisateurs de plus de transparence de la part des services. » Aux entreprises d’y répondre.

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