La France a longtemps été droguée aux nouveaux grands projets (contournements routiers, autoroutes, et surtout TGV). Ce fut parfois un moyen de désenclaver certains territoires, mais cela a surtout entraîné de nouveaux déplacements toujours plus rapides et lointains, au détriment des transports du quotidien domicile-travail. La Cour des comptes dénonce ainsi la priorité donnée au TGV, qui a englouti beaucoup d’argent pour des liaisons où la grande vitesse n’est pas nécessairement pertinente. Bonne nouvelle, la LOM prend le contrepied de cette stratégie : la France va désormais essentiellement rénover l’existant et prioriser « les trajets du quotidien ». Une décision saluée par les acteurs, d’autant qu’il y aura plus d’argent que précédemment (13,4 milliards d’euros entre 2019 et 2023 contre 9,8 entre 2014 et 2018), et qu’il sera surtout fléché vers le ferroviaire (51 %, contre 39 % pour la route, assure le gouvernement). Une vingtaine de nouveaux tronçons routiers seront tout de même construits au nom du désenclavement, comme le contournement de Rouen ou l’autoroute qui relie Toulouse à Castres.

Reste « qu’il ne faut pas forcément opposer trajets du quotidien et nouvelles infrastructures. Nous manquons par exemple d’étoiles ferroviaires autour des métropoles. Sans nouvelles infrastructures, il faudra continuer de passer par le centre pour aller de banlieue à banlieue en transports en commun… ou alors continuer de prendre sa voiture », regrette Bruno Gazeau. « Par ailleurs, avoir étendu la compétence mobilité partout sur le territoire est une très bonne chose pour les territoires ruraux. Mais si dans le même temps on supprime les petites lignes de train, ça n’aura aucun sens », poursuit-il. La loi ne prévoit pas de supprimer ces lignes, comme le rapport Spinetta le proposait. Mais dans un contexte où l’exécutif cherche à baisser les dépenses publiques, la tentation de fermer les petites lignes n’a probablement pas totalement disparu.

Enfin, les débats ne sont pas encore tranchés sur la façon de financer ces infrastructures. « Il manquait 300 millions d’euros par an pour les financer, et c’est pour ça que la loi a bloqué cet été au Sénat et qu’elle traîne à être adoptée », décrypte un acteur du dossier. Pour trouver ces 300 millions d’euros supplémentaires, le gouvernement a consenti à deux efforts. L’Assemblée nationale a ainsi voté une taxe sur l’aérien (elle rapportera 180 millions d’euros par an), et le gouvernement a annoncé une réduction de deux centimes d’euros par litre de l’avantage fiscal sur le gazole pour les poids lourds (140 millions d’euros par an). Les carburants pour les simples consommateurs ne bougeront pas, contexte gilets jaunes oblige. L’augmentation de la taxe carbone sur les carburants du quotidien est-elle donc enterrée à jamais ? Pour qu’elle soit audible, il faudrait que les recettes de la taxe soient fléchées vers les transports en commun, estiment la plupart des acteurs de la mobilité. Et pas vers le budget général de l’Etat, comme actuellement.

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