Qu’en pensent, justement les principaux intéressés, les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration ? À la tête de trois hôtels à Paris, dans les Ve et XVe arrondissements, Jean-Paul Rousseau, à l’unisson de nombre de ses confrères, est particulièrement critique vis-à-vis de la plate-forme américaine, déplorant que les internautes puissent « manipuler comme ils le souhaitent les avis ».
« TripAdvisor ne représente pas le principal horizon de ma stratégie commerciale, même si, pour être bien référencé, logiquement, les bons avis vous font progresser », indique l’hôtelier parisien qui souligne que pour obtenir un référencement de qualité sur la plate-forme, il est nécessaire de s’acquitter d’une somme non négligeable : 3 000 à 4 000 euros par an en ce qui le concerne pour ses trois adresses. « L’encouragement à commenter tout le temps à tort et à travers s’apparente à du harcèlement pour les professionnels qui en sont l’objet. TripAdvisor a créé le commentaire mais pas l’éthique du commentaire », regrette Anne-Sophie de Boulois, présidente de Zazie, un hôtel solidaire à Paris entre Bastille et Nation, qui fait appel à un prestataire pour soigner son positionnement en ligne et répondre aux avis des clients.
« Parfois sévères ou injustes, les avis en ligne permettent aux professionnels d’obtenir une véritable visibilité sur leur prestation. Cela est plus efficace qu’un questionnaire ou qu’un client mystère. Lorsque 20 avis déplorent qu’un serveur s’est mal comporté, c’est une indication utile pour le restaurateur. Globalement, les gens émettent des avis raisonnables. Dans un hôtel 2 ou 3 étoiles, les utilisateurs ne s’attendent pas à des prestations 5 étoiles », tempère Mark Watkins.
« TripAdvisor est notre meilleur ennemi »
« Je fais très attention aux remarques des clients… Même sur TripAdvisor », assure, pour sa part, Ronan Kervarrec, le chef deux-étoiles de La Table de Plaisance, à Saint-Emilion. En charge de la branche restauration du Groupement national des indépendants hôtellerie et restauration (GNI), l’un des deux syndicats représentatifs du secteur – avec l’UMIH – et à la tête de plusieurs établissements à Paris, Laurent Fréchet se montre philosophe.
« TripAdvisor est notre meilleur ennemi. Dans un monde parfait, ce serait un outil idéal. Mais il est souvent dévoyé, avec son lot de notations injustes ou d’avis qui ne reflètent pas la réalité. Mais grâce à cet outil, un restaurateur du fin fond de l’Auvergne peut par exemple attirer des touristes chinois ou japonais. La plate-forme a généré du trafic pour la profession et représente une aide indéniable pour les consommateurs », constate-t-il en rappelant que son syndicat entretient des relations régulières et « courtoises » avec les services du géant américain. « Ils nous répondent, contrairement à Facebook et Google. »
Mieux modérer
Face aux innombrables polémiques relatives aux notes et aux faux commentaires, la plate-forme américaine a publié mi-septembre, pour la première fois de son histoire, un rapport chiffré relatif à la modération et à la fraude. Elle dispose de plusieurs dispositifs de vérification, à commencer par l’analyse automatisée des textes publiés . Cette technologie utilise les fonctionnalités avancées d’analyse des réseaux et de modélisation de fraude pour relever des constantes indétectables par l’oeil humain. « Cela a permis de débusquer 1,4 million d’avis frauduleux ou litigieux », déclare TripAdvisor.
Ces commentaires sont ensuite analysés par une équipe de modération qui tient compte de facteurs impossibles à traiter par le système, comme le contexte ou les nuances culturelles dans la formulation. Les modérateurs de la plate-forme peuvent également intervenir à la suite des signalements d’internautes, cependant peu fréquents : en 2018, moins de 1% des commentaires publiés sur TripAdvisor ont en effet été signalés par des utilisateurs.
Plusieurs menaces
Reste que pour Which ? – une association britannique de consommateurs -, la plate-forme américaine est encore trop complaisante sur les faux avis qui dopent artificiellement la réputation des hôtels les mieux notés. Elle a passé en revue 250 000 avis concernant les 10 hôtels les mieux notés dans 10 destinations touristiques à travers le monde. Résultat : un hôtel sur sept parmi les établissements analysés avait une forte proportion de faux avis. Quoi qu’il en soit, à l’instar de tous les géants du Web, TripAdvisor redoute d’être, un jour ou l’autre, dépassé par un concurrent plus innovant.
L’an dernier, la plate-forme a lancé une nouvelle version de son site et de son application (60% de son trafic s’effectue sur mobile) en s’inspirant notamment de Facebook et Instagram. « Google, de par sa position hégémonique dans la recherche, le ‘search’, devient un concurrent redoutable pour TripAdvisor car il propose ses propres avis et son propre outil de réservation », note Mark Watkins.
Sourced through Scoop.it from: www.lesechos.fr
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