La notion de résilience vient de la géologie, où elle s’applique aux organismes vivants. On dit de ces derniers qu’ils ont une capacité d’adaptation, dans différents contextes, face à des menaces extérieures et à des milieux hostiles. Cette notion a ensuite été introduite en France dans les années 1990 par les psychologues et les psychiatres : dans ce cadre, elle renvoie à la capacité d’un individu à surmonter un choc, une épreuve (par exemple un deuil).
Sauf qu’à partir du début des années 2000, la résilience a été transposée au champ de la sécurité nationale. Elle a été valorisée par un certain nombre d’États comme le Royaume-Uni, les États-Unis ou la France, comme l’une des clés de réaction à un attentat ou à une crise grave. Elle vise à décrire la manière dont une société rebondit ou réagit après une attaque terroriste, après une guerre ou à la suite d’un événement critique.
« Cette focalisation sur la notion de résilience rend les populations responsables des erreurs, des défaillances ou des crises qu’elles subissent et des échecs de l’État en matière de sécurité »
Vanessa Codaccioni, spécialiste de la justice pénale et de la répression, autrice de “La société de vigilance”
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Or cette notion, comme j’essaye de le montrer dans le livre, s’inscrit dans le cadre de la gouvernance néolibérale puisqu’elle renvoie à la responsabilité de chacun dans le domaine de la sécurité. Être résilient ou résiliente, c’est être responsable de sa propre sécurité : prendre des précautions, se préparer. Ce n’est pas l’État lui-même qui doit être résilient mais le citoyen. Et ce de deux manières : avant la crise, et après la crise. Avant la crise, il doit se préparer, se sensibiliser, apprendre – d’où les exercices de sécurité anti-fusillades dans les écoles, par exemple. Après la crise, il doit surmonter l’épreuve, réagir, rebondir. Et, si possible, s’engager dans des réserves de police comme celle que souhaite créer Gérald Darmanin. Le bon citoyen est celui qui participe à ce genre de dispositifs.Cette focalisation sur la notion de résilience rend les populations responsables des erreurs, des défaillances ou des crises qu’elles subissent et des échecs de l’État en matière de sécurité, à la fois climatique, sanitaire ou physique. Quelques exemples, parmi d’autres : si un confinement est décrété, c’est parce que la population ne respecte pas les gestes barrières ; si un couvre-feu est décrété, c’est parce qu’il y un « effet apéro ». Appliquée à la sécurité, la notion de résilience est particulièrement dangereuse dans la mesure où elle responsabilise, culpabilise, infantilise les populations tout en déresponsabilisant l’État. L’autre piège de la notion de résilience, c’est qu’elle nous prépare toujours à la « catastrophe d’après » : on nous apprend qu’il y aura sans cesse d’autres problèmes, que l’on vivra dans un monde dangereux, catastrophique, et qu’il n’y a rien à faire pour que cela change. Cela permet de gouverner par la peur et de faire en sorte que les individus se replient sur eux-mêmes.
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