Comme la plupart des entreprises européennes de services numériques (Capgemini, Sopra Steria, le suédo-finlandais TietoEvry, etc.), Atos doit la majeure partie de ses recettes à sa capacité à tirer le meilleur parti d’innovations américaines, largement plébiscitées par leurs clients. « Mais quand ces sociétés revendent quasi systématiquement du Microsoft ou du Google, les éditeurs européens plus modestes sont perdants », lâche Alain Garnier, un éditeur de logiciels à l’origine de la mobilisation PlayFrance.digital qui vise à privilégier les acteurs nationaux sur leur marché local. « Sans les technologies américaines, le PIB européen serait sans doute moindre, rappelle Elie Girard, mais l’inverse est également vrai. » Européen de coeur, Américain dans l’âme.

« Airbus de l’informatique »
Né de multiples fusions entre des sociétés informatiques françaises dans les années 1990, puis d’un mariage en 2000 avec le néerlandais Origin, Atos se compare en bien des points à un « Airbus de l’informatique ». Très officiellement « société européenne » (SE) selon son statut juridique, l’entreprise partage son siège social entre Bezons, en banlieue parisienne, et Munich, en Bavière.

Entre la langue de Molière ou celle de Goethe, les cadres se sont accordés sur Shakespeare. Quand Thierry Breton a pris les rênes d’Atos en 2008, on y parlait pourtant encore principalement français. L’ex-ministre de l’Economie et des Finances y faisait son retour dans le privé, lui qui avait déjà dirigé Bull, Thomson et France Télécom. A son départ, onze ans plus tard, Atos était parti à la conquête du marché américain et avait surtout doublé ses revenus.

L’apport crucial des ingénieurs de Bull
En 2011, le mariage avec la filiale de services informatiques de Siemens consacre Atos parmi les grands d’Europe. Aujourd’hui encore, le groupe industriel allemand est tout à la fois le premier client d’Atos (600 millions d’euros de revenus par an), son premier actionnaire (11,6 % du capital) et un partenaire commercial sans lequel le groupe d’Elie Girard n’aurait pas remporté des contrats prestigieux comme celui de l’informatisation du chantier des nouvelles lignes de métro du Grand Paris.

Le fleuron européen renforce ensuite ses compétences en R & D avec le rachat pour 600 millions d’euros, en 2014, de Bull, le pionnier hexagonal de l’informatique. Quelque quatre-vingt-dix ans après sa création, l’ex-Bull est le pilier des activités d’Atos dans l’analyse de données et surtout la conception de serveurs informatiques haut de gamme. Fabriquée à Angers, sa technologie BullSequana équipe les centres de données des champions américains du « cloud computing » eux-mêmes, comme Google. « Ce sont de très gros contrats », relève Elie Girard, fier de voir les Américains reconnaître ses produits.

S’il fut un temps envisagé d’introduire en Bourse l’ex-Bull et des activités connexes, Atos ne peut plus s’en séparer. « La cybersécurité et le calcul haute performance sont des activités absolument centrales pour nous, au coeur de notre métier », assure Elie Girard depuis son bureau avec vue sur La Défense. De l’informatique à la source de données (edge computing) aux supercalculateurs, en passant par le quantique, les ingénieurs de Bull permettent à Atos de se hisser au meilleur niveau mondial sur des technologies d’avenir.

Au jour le jour cependant, Atos l’européen a les yeux rivés sur le marché américain. Dans la salle du conseil d’administration, les contours du pays de l’oncle Sam s’affichent sur une grande carte ancienne. Thierry Breton y a fait ses emplettes, de Xerox ITO (9.600 collaborateurs en 2015 pour 966 millions de dollars) à l’indien Syntel en 2018 (pour 3,4 milliards de dollars), dont l’essentiel des 23.000 ingénieurs travaille pour des clients aux Etats-Unis. Du côté des salariés, les élus applaudissent tout en protestant contre les conséquences de la logique de rentabilité qui suit ces rachats – ils luttent encore contre un plan de délocalisation des fonctions financières.

4 grands métiers autour de la donnée
Chef d’orchestre du cloud : alors que les entreprises veulent héberger de plus en plus de données dans les centres externalisés du « cloud computing », Atos les aide à migrer celles-ci depuis leurs propres serveurs. Une transformation toujours en cours de ses anciennes activités de maintenance de ces mêmes serveurs.

Intégrateur de logiciels d’entreprise : toujours désireuses d’offres sur-mesure alors que les éditeurs de logiciels sont les rois du standard, les entreprises sollicitent Atos et ses concurrents pour développer des fonctionnalités additionnelles aux systèmes SAP, Oracle ou encore Salesforce.

Big data : Atos met les bouchées doubles pour améliorer les capacités de calcul et donc d’analyse de données des entreprises, grâce à des serveurs haut de gamme, voire des supercalculateurs.

Cyberdéfenseur : Atos veille sur l’évolution des menaces informatiques et joue le rôle de tour de guet pour les clients de ses centres de sécurité opérationnelle.

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