Les chiffres parlent d’eux-mêmes : aujourd’hui en France, les voitures neuves ne se vendent plus, elles se louent. Selon Bertrand de la Villéon, expert du sujet chez Eurogroup Consulting, 82 % des immatriculations en 2021 ont été faites par le biais d’un leasing, soit 8 points de plus qu’il y a un an. Ces formules de location longue durée (LLD) ou avec option d’achat (LOA), généralement pour une durée de quatre ans, étaient déjà la norme chez les entreprises. Elles sont en train de se développer à grande vitesse chez les particuliers, qui ont choisi cette solution dans 47 % des cas l’an dernier. Et les constructeurs, loin de contrarier ce mouvement, cherchent à l’amplifier.

Pour eux, il s’agit d’abord de répondre aux desiderata des clients. Une majorité d’entre eux privilégie désormais l’usage à la possession, tout en souhaitant garder un accès à un véhicule dédié, ce qui exclue les services d’autopartage. En choisissant le leasing, ils s‘affranchissent également des risques liés à aux évolutions technologiques et réglementaires : si je choisis une voiture diesel, pourrais-je rouler avec dans ma ville dans quelques années ? Si c’est un modèle électrique, l’autonomie va-t-elle diminuer dans le temps ? En optant pour la location plutôt que l’achat, ces inquiétudes sur la revente n’ont plus lieu d’être.

Contourner la hausse des prix
Surtout, la LOA ou la LLD procure l’accès à un véhicule neuf pour une mensualité jugée raisonnable. Vu des constructeurs, ce point est crucial. Le prix moyen d’une voiture neuve a grimpé de 7.000 euros en dix ans et flirte avec les 27.000 euros. Pour la grande majorité des modèles, un achat cash est désormais jugé inatteignable, ou déraisonnable.

Le leasing permet aux industriels de communiquer sur une mensualité abordable (ce que font désormais la quasi-totalité des publicités) plutôt que sur le prix total, vu comme dissuasif. Un raisonnement qui s’applique en particulier aux modèles électriques, dont le coût reste de 30 à 40 % plus élevé que les équivalents thermiques.

Le même résultat pourrait être obtenu avec un crédit auto classique, qui était encore la règle il y a sept-huit ans, mais le leasing comporte bien plus d’avantages pour un constructeur. Les contraintes réglementaires sont moins fortes (en particulier pour la LLD), et les mensualités proposées sont moins élevées, puisqu’elles tiennent compte de la valeur résiduelle du véhicule qu’elles reprendront au bout de quatre ans.

Une fidélisation plus forte des clients
Par ailleurs, la marque vend dans le même mouvement des services (entretien, assurances…) qui contribuent à ses marges. Et contrairement au crédit auto, le contact avec le client n’est pas perdu au terme du contrat, puisqu’il doit se présenter pour restituer le véhicule. « La probabilité de le fidéliser, en lui proposant un modèle plus récent, est beaucoup plus élevée », pointe Bertrand de la Villéon.

Pour les constructeurs, il s’agit un changement radical de logique. « Ils passent d’un monde où ils finançaient des clients [par le biais du crédit auto, NDLR], à un autre où ils financent des actifs, résume Markus Collet, du cabinet de conseil en stratégie CVA. L’objectif n’est plus de vendre un véhicule neuf, mais de capter le maximum de la valeur générée par celui-ci durant 4 ans, 6 ans, 8 ans… »

Maîtriser la valeur de revente
Cela implique pour les industriels de muscler leurs moyens d’action sur le marché de l’occasion, qu’ils ont longtemps négligé, afin d’assurer une deuxième vie aux centaines de milliers de véhicules qui leur sont rendus chaque année. Après avoir investi dans des acteurs spécialisés (AramisAuto pour PSA – devenu depuis Stellantis -, Heycar pour Mercedes, Volkswagen et Renault…), les constructeurs mettent désormais en place des formules de leasing ciblées sur la seconde main. « Il s’agit de conserver le client dans son écosystème, tout en maîtrisant la valeur de revente, cruciale dans l’équation économique », poursuit Markus Collet.

Le boom du leasing n’a pas échappé aux autres acteurs de la mobilité. Arval, l’un des ténors de la LLD de véhicules neufs aux entreprises, vient d’étendre son offre aux voitures d’occasion, pour les professionnels et les particuliers. Les loueurs comme Sixt ou Europcar entrent eux aussi dans le match, avec des formules résiliables au mois le mois, sans engagement.

Ces formules d’abonnement, qui proposent de « consommer » de la voiture comme de la téléphonie, sont aussi proposées par Fiat pour la version électrique de sa 500, ou le chinois Lynk & Co. Le coût (à partir de 300 euros par mois pour la 500 avec un forfait de 1.500 kilomètres) fait encore hésiter les clients. Mais selon certains experts, cette forme ultime du leasing devrait dominer le marché dans les années à venir.

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