L’heure de vérité a donc sonné pour Sweetch. « Notre membrane baptisée Inod à base de matériaux biosourcés s’avère vingt fois plus performante que ce qui existait jusqu’à présent et près de dix fois moins chère. C’est pourquoi nous avons démarré notre phase de développement industriel », annonce Nicolas Heuzé sans dévoiler les ingrédients précis de sa recette miracle. L’entreprise est déjà passée de cinq à vingt personnes en un an et atteindra une quarantaine d’employés fin 2022.

Une première usine au bord du Rhône
Dernier recrutement majeur en date, celui d’Edouard Billet, ingénieur Arts et Métiers, chargé de mettre en musique le développement à grande échelle des produits (membranes, électrodes) et des installations (modules de production facilement transportables, empilables et déplaçables). Sachant qu’il faudra quand même près de 100.000 m² de modules pour produire 1 GWh, l’équivalent d’une centrale nucléaire… « On travaille avec l’Ecole nationale supérieure de création industrielle pour imaginer des îlots qui s’intègrent harmonieusement au paysage », avance l’ingénieur.

En février dernier, Sweetch Energy a signé son premier contrat industriel avec la Compagnie nationale du Rhône (CNR), la société concessionnaire des dix-neuf centrales hydrauliques installées sur le plus grand fleuve français, lesquelles génèrent 14 TWh en moyenne par an, soit 3,5 % de la consommation d’électricité du pays. « Notre objectif est de déployer une usine pilote fin 2023 de plusieurs dizaines de KWh, puis d’augmenter sa puissance », indique Nicolas Heuzé. D’ici là, la CNR va tester le prototype dans son Centre d’analyse comportementale des ouvrages hydrauliques.

« Face à la baisse de la production de l’énergie hydraulique sur le Rhône liée au réchauffement climatique, on avait envisagé il y a quelques années d’utiliser l’énergie osmotique. Mais nous avions conclu en 2017 que ce n’était pas rentable. Ce n’est que trois ans plus tard que l’on est tombé sur un article parlant de Sweetch Energy et qu’on a pris contact avec eux », raconte Frédéric Storck, directeur de la transition énergétique et de l’innovation de CNR.

La compagnie rhodanienne va fournir les équipements, les prises d’eau, les conduites et les évacuations de l’énergie produite par le premier démonstrateur. Ce dernier devrait mesurer environ 20 mètres de long et sera installé sur le bord du delta du Rhône au niveau de Port-Saint-Louis ou de Barcarin. « A terme, la production osmotique du Rhône devrait atteindre entre 3 et 4 TWh, soit près de deux fois la consommation annuelle de la ville de Marseille et près du tiers du potentiel français », espère le responsable.

Le temps presse
Soutenu par les trois fonds d’origine (Demeter, Go Capital et Future Positive Capital), l’Ademe, la BPI, ainsi que deux business angels (Dominique Gaillard, ex-Ardian, et Fabio Ferrari, ex Symbio), Sweetch Energy dispose aujourd’hui de 5 millions d’euros de capital et 4 millions de financements. « Nous allons lever 30millions d’euros dans les prochains mois mais à terme nous aurons bien sûr besoin de plus pour nous développer sur tout le territoire et à l’étranger, déclare Nicolas Heuzé. Pleinement investi par sa mission, il veut « déployer l’énergie osmotique le plus vite possible sur l’ensemble de la planète pour faire face à l’urgence climatique ».

« Ce serait formidable de créer le champion industriel français et européen de l’énergie osmotique, mais l’écosystème français est encore loin de permettre à des projets de start-up d’aller vite alors que le temps presse. Si cela n’est pas possible, nous irons malheureusement ailleurs », prévient-il. Avec l’espoir que le premier projet à grande échelle de Sweetch avec la CNR balaiera ces craintes.

(1) Conversion géante d’énergie osmotique mesurée dans un seul nanotube de nitrure de bore transmembranaire.

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