C’est le type d’affaire qui donne des sueurs froides à tous les entrepreneurs et industriels qui investissent dans des pays en guerre et se trouvent confrontés à l’épineuse question du moment où il devient nécessaire de suspendre son activité pour ne pas se rendre complice des agissements des belligérants.

Après la confirmation en mai par la cour d’appel de Paris de la mise en examen pour « complicité de crimes contre l’humanité » du cimentier Lafarge, soupçonné d’avoir versé en Syrie près de 13 millions d’euros entre 2013 et 2014 à l’organisation Etat islamique, à d’autres groupes armés et à des intermédiaires, un autre fleuron industriel français se trouve aujourd’hui dans le collimateur de la justice.

Les sommes en jeu et les implications géostratégiques sont sans commune mesure mais, mercredi 29 juin, le Parquet national antiterroriste (PNAT) a ouvert une enquête préliminaire sur de mêmes accusations de « complicité de crimes contre l’humanité » et de « complicité de crimes de guerre » visant cette fois le groupe Castel en Centrafrique.

Aucune plainte n’avait pourtant été déposée au préalable contre ce géant des boissons, parmi les premiers producteurs et négociants mondiaux de vin. Connue en France pour ses marques Listel, La Villageoise ou le caviste Nicolas, la marque a construit l’essentiel de la richesse en Afrique sous l’impulsion de son président-fondateur Pierre Castel, 95 ans et neuvième fortune française – avec sa famille – selon le classement 2021 du magazine Challenges.

« Un arrangement sécuritaire »
La vice-procureure Aurélie Belliot du pôle crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre du PNAT s’est fondée sur les conclusions d’un rapport déposé par l’ONG The Sentry – cofondée par l’acteur américain George Clooney –, quelques jours après sa publication en août 2021. L’organisation accuse la Sucrerie africaine de Centrafrique (Sucaf RCA), filiale de la Société d’organisation de management et de développement des industries alimentaires et agricoles (Somdiaa) détenue à plus de 87 % par le groupe Castel, d’avoir négocié fin 2014 « un arrangement sécuritaire », maintenu jusqu’en mars 2021, avec l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC). Une milice locale impliquée dans des exactions de masse.

The Sentry, qui s’est donné pour mission de traquer les « réseaux de prédateurs internationaux qui profitent des conflits violents, de la répression et de la kleptocratie », soutient que la Sucaf RCA a « mis en place un système sophistiqué et informel pour financer les milices armées par des paiements directs et indirects en espèces, ainsi que par un soutien en nature sous forme d’entretien des véhicules et de fourniture de carburant ».

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