L’image, iconique, se trouve à la page 23 de l’album. On y voit, au milieu d’un champ de cratères aux reliefs accidentés, la célèbre fusée au damier rouge et blanc se dresser solitaire sous un ciel noir piqueté d’étoiles. La lumière rasante du Soleil étire les ombres sur la droite. En haut à gauche, pas plus grosse qu’un petit pois, une boule bleu et brun d’où part une voix angoissée qui grésille : « Allo, allo, ici la Terre… Allo, j’appelle la fusée lunaire… » Cette image tirée d’une planche d’On a marché sur la Lune, la Nasa nous la promet, retranscrite presque telle quelle dans la réalité, pour 2025, année où il est officiellement prévu que sa future mission Artemis III dépose quatre astronautes à la surface de notre satellite.
Si l’on peut nourrir de sérieuses réserves quant à une date aussi rapprochée, il n’en reste pas moins que, d’ici à la fin de cette décennie, tous ceux d’entre nous qui sont trop jeunes pour avoir pu vivre en direct les premiers pas de Neil Armstrong et Buzz Aldrin sur la Lune, le 21 juillet 1969, auront droit à une session de rattrapage. A un remake d’Apollo11, mais en beaucoup plus spectaculaire. Car Eagle, nom du module (ou LEM) dans lequel ont aluni Neil et Buzz, n’était qu’une assez vilaine et toute petite boîte de conserve en comparaison du Starship, cette fusée construite par SpaceX et choisie en avril 2021 par la Nasa pour être son Human Landing System (HLS).
Une fusée qui, à un moment ou à un autre de sa descente vers la Lune, devra bien se retourner sur elle-même afin de se poser sur ses pattes, exactement comme l’avait imaginé Hergé quelque trois quarts de siècle plus tôt. Et qui, tout au long des six jours que durera la mission, servira d’habitat aux quatre « moonwalkers » avant de redécoller d’un seul tenant, comme, là encore, l’avait imaginé Hergé… « Le Starship, c’est vraiment la fusée de Tintin ! » s’exclame l’astrophysicien chargé de l’exploration du système solaire au Centre national d’études spatiales (Cnes) Francis Rocard, que l’on sent partagé entre admiration et incrédulité.
Rédacteur en chef de la revue Ciel et Espace et auteur de Ils ont marché sur la Lune (Belin, 2018), Philippe Henarejos, qui ne croit pas un seul instant que la date de 2025 sera respectée, éprouve les mêmes sentiments mêlés vis-à-vis de l’audacieux pari qu’a fait la Nasa en s’en remettant à la firme d’Elon Musk et à son Starship pour renvoyer des Américains sur la Lune – quitte à écarter d’un revers de la main les projets concurrents, et beaucoup plus classiques, des deux autres compétiteurs encore en lice au printemps 2021, Blue Origin (la firme du fondateur d’Amazon Jeff Bezos, qui proposait une sorte d’ Apollo 2.0) et Dynetics.
« Le LEM Eagle n’était qu’un petit engin de 7 mètres de haut, d’une masse totale de 15 tonnes (dont 13 tonnes de carburants !) et que l’on avait tellement cherché à alléger qu’Armstrong et Aldrin ne disposaient même pas de sièges où s’asseoir pendant qu’ils le pilotaient. Le Starship est une fusée de 50 mètres de haut pour 9 mètres de diamètre, sa masse totale est de 1.320 tonnes et elle est capable d’amener sur le sol lunaire une charge utile de 100 tonnes ! Ce changement d’échelle est, en soi, profondément disruptif », estime cet observateur avisé de la conquête spatiale.
Que ce soit dès 2025 ou plus près de 2030, les prochaines années nous diront si ce pari risqué a, ou non, réussi. Mais avant d’en arriver là, la Nasa va devoir mener à bien les deux premières missions du programme Artemis. L’aventure commencera probablement ce mois-ci avec le lancement d’Artemis 1 depuis le Centre spatial Kennedy, en Floride, après le report d’une première tentative le 29 août. Sans, pour cette fois, le concours du Starship, mais avec deux autres pièces maîtresses du programme lunaire de la Nasa : son propre lanceur lourd Space Launch System (SLS), une fusée à peine moins grosse que la mythique Saturn V utilisée pour les missions Apollo et qui coûte la bagatelle de 2,2 milliards de dollars par lancement ; et Orion, le vaisseau spatial dont l’agence spatiale américaine a voulu se doter, après l’accident de la navette Columbia en 2003, pour envoyer ses intrépides explorateurs au-delà de l’orbite terrestre basse.
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