Officiellement, la SNCF est sur un petit nuage : l’entreprise nationale vient de boucler un été record , avec un trafic grandes lignes en hausse de 10 % par rapport à l’été 2019, le dernier sommet avant le marasme du Covid-19. En juillet-août, 28 millions de voyageurs (avec les lignes internationales comme Thalys ou Eurostar) se sont pressés dans des TGV plus remplis que jamais, et qui ont roulé à flux tendus.

Fort d’un bilan déjà redressé au premier semestre , avec un Ebitda plus que doublé en un an et 35 milliards de dettes effacées comme prévu par l’Etat, le PDG Jean-Pierre Farandou affiche sa confiance : il tiendra les objectifs conclus avec son actionnaire lors de la réforme ferroviaire de 2018, principalement un « cash-flow libre supérieur à zéro » à la fin de cette année.

Signe tangible de ce redémarrage, l’entreprise ajoutait mi-août 15 TGV de nouvelle génération supplémentaires à sa commande ancienne de 100 nouvelles rames Alstom, décision prise « en anticipation de la demande clients qui est supérieure aux prévisions initiales », justife le siège.

Trajectoire financière reconstruite
Définitivement oublié, le très éprouvant tunnel de la crise sanitaire ? Le bel enthousiasme doit être tempéré: en cette rentrée 2022, la situation reste très fragile, et les embûches nombreuses. Dans l’entreprise qui rechigne à communiquer sur ses objectifs à moyen ou long terme, le principe de réalité s’est imposé. « La trajectoire financière a été intégralement reconstruite durant le premier semestre 2021, avec des hypothèses totalement documentées », peut-on lire dans les méandres du dernier rapport semestriel publié fin juillet. Sous-entendu : reconstruite à la baisse.

Malgré la reprise de son trafic, très nette depuis mars dernier, la SNCF a abaissé son taux de croissance sur long terme à 1,4 % par an à partir de 2024, dévoile le même document. Un chiffrage assez éloigné de l’objectif, beaucoup plus médiatisé, de « doubler la part modale du train dans la décennie 2030 ». Une part du rail aujourd’hui cantonnée à 10,5 % face à la voiture monopolisant 85 % des déplacements des Français. Et à court terme, l’opérateur ferroviaire pondère toujours son baromètre interne par « une évaluation du risque Covid conservatrice ».

Engagements révisés à la baisse
A bien des égards, l’entreprise publique reste sous perfusion. Outre l’allègement massif de sa dette, promis de longue date et qui va lui faire économiser 280 millions de charges financières cette année, l’Etat actionnaire a certes également approuvé une recapitalisation de 4,05 milliards en décembre 2020, au pire moment de la crise. Une somme fléchée vers la régénération du réseau ferré, qui en a grandement besoin.

Sur ce montant, SNCF Réseau a d’abord reçu 1,65 milliard en 2021 par le biais d’un fonds de concours ad hoc. Puis un second chèque de 1,07 milliard en mars 2022, un complément de 693 millions étant attendu avant la fin 2022, anticipe le dernier rapport financier.
Mais ces concours publics, indispensables à la remise à niveau du réseau principal (pour, in fine, améliorer la fiabilité des trains), ont été revus à la baisse par rapport aux engagements du dernier plan de relance ferroviaire. Tandis qu’il milite pour un investissement massif supplémentaire de 100 milliards sur 15 ans, indispensable pour étayer son plan de doublement de la « part de marché » du train, Jean-Pierre Farandou doit dans l’immédiat faire plus avec moins, et oublier les maintes promesses de l’avant-Covid.

Réduction des investissements
Au-delà du discours appuyé des pouvoirs publics favorables à la décarbonation des transports, les récents investissements dans le réseau « ont été ajustés à la baisse par rapport au dernier contrat de performance, pour tenir compte de la réalité des financements disponibles de l’Etat », résume pudiquement le groupe de Saint-Denis. Si bien que « SNCF Réseau a réduit ses enveloppes prévisionnelles à compter de 2023, de façon à limiter l’impact de ces investissements sur ses fonds propres ».

Un tour de vis qui arrive au plus mauvais moment pour SNCF Réseau, lequel doit faire face à une inflation généralisée (matières premières, sous-traitance du BTP) sur tous ses chantiers… Le groupe public a par ailleurs prévu dans ses comptes « un taux d’inflation long terme qui pourrait se situer à +1,6 % », bien loin du niveau actuel de 6%.

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