C’est fait, Renault vient de lancer ses NFT. Une collection de 1.972 « jetons non fongibles » à l’effigie de la citadine R5, marquant la renaissance de ce modèle. Au premier abord, le losange arrive après la bataille… mais il est loin d’être le seul. Ces derniers jours, les annonces se sont multipliées de la part de marques de toutes sortes : l’Aquarium de Paris, Coca-Cola, PMU , le magazine « Têtu » et, coup de grâce, ce vendredi, avec les cartes collectors de Donald Trump .
Cet intérêt coriace pour les NFT de la part de grandes marques, auxquelles on peut ajouter pêle-mêle Cristiano Ronaldo, l’AFP, Aasics, Mattel ou la Ligue nationale de Rugby, détonne avec la reculade, en valeur, de ce marché, en repli de 76 % depuis janvier, selon Nansen. En 2021, en pleine euphorie pour les jetons, les marques qui se lançaient voulaient se donner un verni novateur. Les acquéreurs eux, espéraient une plus-value. Mais en plein hiver crypto ?Exit la spéculation et le buzz
A ce stade, il faut rappeler qu’il existe différents types de NFT. Ceux de collection, qui ont défrayé la chronique et alimenté la spéculation ( Bored Apes , Azuki), ceux de jeux ( Sorare ), les oeuvres numériques (plus rares, comme celles de Beeple) et enfin, ici, ceux qui nous intéressent, les jetons de marques. Ces NFT-là partagent un seul but : animer des communautés de fans.
Pour Alexandre Embry, responsable du Capgemini Metaverse Lab, « les campagnes marketing lancées aujourd’hui [et qui voient aboutir ces NFT, NDLR], sont le résultat de décisions engagées il y a plusieurs mois, car la réflexion prend du temps ». « On est sorti de l’aspect spéculatif et du buzz, les marques veulent créer de la proximité, de l’adhésion et de l’émulation », poursuit-il.Entre carte de fidélité et actif financier
Chez Starbucks, les NFT sont une façon de réinventer la bonne vieille carte de fidélité, qui ne séduit plus la jeune clientèle. La recette est souvent la même : jeux concours, accès à un groupe de fans, à des événements ou des tests de nouveaux produits, et des récompenses sous forme de réductions si on accumule assez de points en consommant. Une mécanique bien connue. Et puis les NFT, toujours limités, sont intrinsèquement taillés pour le marketing de la rareté.
Avec leur aspect communautaire – grâce aux groupes Discord , où les fans parlent entre eux et peuvent accéder, par exemple chez Renault , au designer Gilles Vidal (!) -, les NFT réunissent les programmes de fidélité et les fameuses pages de fan Facebook ; qui ont bien vécu. Certains NFT de marques sont gratuits, mais souvent, ils sont payants, généralement une centaine d’euros. La différence ? « Les fans sont beaucoup plus impliqués », relève Alexandre Embry. Pour lui, payer évite les comportements uniquement opportunistes. Mais ne mettent-ils pas un filet à la patte ?
« C’est dur de prédire l’évolution du prix des NFT, mais il est logique que les clients aient, de façon sous-jacente, l’attente que leurs jetons se valorisent », note Laurent Aliphat, directeur des contenus marketing de Renault. En conséquence, « ils auront intérêt à parler de la marque en bien », sous peine de voir les NFT… se déprécier ; c’est aussi pour éviter l’effet déceptif d’une dévaluation des jetons qu’ils viennent toujours accompagnés de services et autres goodies.Un marketing de niche pour les geeks ?
« La bulle spéculative s’est dégonflée mais les NFT restent très intéressants pour les marques, à la condition qu’elles aient des communautés fortes, comme Têtu, dont les lecteurs sont attachés au titre, ou Lacoste, où les fans ont proposé des idées créatives à la marque », nuance Sébastien Houdusse, chief strategy officer de BETC Fullsix. Si le métavers, très lié aux NFT, « a perdu de sa splendeur », selon lui, les NFT peuvent « renouveler la relation client ». Chez Renault, on parle de « CRM 3.0 », soit un rapport « décentralisé » avec les clients. Mais pas tous les clients.
Pour le moment, ces NFT excluent le plus grand nombre car ils préfèrent toucher les adeptes du Web3, jeunes, connectés et prescripteurs ; et parce que « ça donne aussi un verni novateur aux directions marketing », souffle Sébastien Houdusse ! Résultat, entre le « mint » (leur création) et le « drop » (diffusion), les NFT sont englués dans l’océan primitif technique qui les a vus naître.Pas si chers pour de bons commentaires
Chaque marque a aussi ses propres forces motrices. Nike a carrément lancé une plateforme d’échange (Swoosh), pour faire commerce de vêtements en NFT pour le métavers parce que ses premiers pas dans ce domaine ont été couronnés de succès . McDonald’s, pionnier des NFT en avril 2021 et qui resigne cet hiver, « doit être là où est la pop culture, or le Web3 est en plein dedans », résume Stéphane Gazzo, directeur général de DDB Paris, chargé de l’enseigne.
En attendant de voir si McDo peut mettre son programme de fidélité à la sauce NFT, Stéphane Gazzo avoue que « le Web3 touche beaucoup moins de gens que n’importe quel réseau social ». Malgré un an et demi de recul, « il est dur de voir ce que cela rapporte en image de marque », poursuit-il. Pragmatique, il voit surtout que ces opérations 3.0 ne « coûtent pas si cher à produire et qu’à court terme, elles apportent des commentaires positifs et de bonnes retombées presse ».
Pour d’autres, les NFT transformeront vraiment le marketing lorsqu’ils se seront effacés derrière les usages. Après tout, pour évoquer les transactions sans contact, qui parle encore de cartes fidélité RFID ou de paiement NFC ?
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