L’onde de choc provoquée au printemps 2022 par l’appel de huit diplômés d’AgroParisTech à « déserter » des emplois « destructeurs » n’en finit pas de se propager. Début décembre, des étudiants de l’IMT Atlantique à Nantes s’opposaient au parrainage de leur promo par Airbus Defence, quelques jours après qu’un mouvement de boycott ait visé TotalÉnergies sur le campus d’HEC Paris à l’occasion d’un forum de recrutement. On pourrait aussi mentionner le collectif étudiant Pour un réveil écologique œuvrant pour une meilleure prise en compte de l’urgence environnementale dans les formations et sur le marché de l’emploi. Quelques exemples parmi d’autres qui cristallisent les attentes d’une partie de la jeunesse étudiante bien décidée à bousculer le statu quo.
« C’est une manifestation générationnelle que nous ne faisons pas qu’entendre, nous l’écoutons pour nous remettre en question, confie Solène Heurtebis, directrice de l’Impact Sociétal et Environnemental à l’EM Normandie, où une philosophie « School for Good » infuse désormais les orientations stratégiques. Objectif annoncé : devenir une organisation à impact sociétal et environnemental « positif » à horizon 2030. Entreprises, gouvernements, toutes les parties prenantes se mobilisent autour de ces enjeux, poursuit-elle. L’école partage cette prise conscience collective et a décidé d’agir ». Le modèle classique des Business School vivrait-il ses dernières heures ?
Le « business as usual », c’est fini ?
Les ambitions affichées, en tout cas, sonnent comme une révolution : il ne s’agit rien de moins que de « transformer l’organisation et d’accompagner nos étudiants à devenir les acteurs d’un monde durable », annonce Solène Heurtebis. Tout un programme qui consistera notamment à faire émerger un « Campus for Good », conscient de son empreinte environnementale et territoriale. Dans le futur, le modèle successeur de l’école de commerce sera « au service de son territoire, en accompagnant les entreprises qui sont dans un modèle de transformation », imagine-t-elle. « L’école deviendra alors un lieu ouvert sur la thématique du “for Good”, proche des associations locales déjà engagées. » Une sorte de tiers-lieu ancré dans son époque et ses urgences, qui aura aussi pour mission d’ « embarquer la communauté au sens large sur ces questions » : étudiants, collaborateurs, intervenants extérieurs, entreprises partenaires, alumnis…
Les curriculum aussi devront revoir leur copie. La route est longue : selon le Shift Project, seules 11 % des formations de 34 établissements du supérieur abordent les « enjeux climat-énergie » de manière obligatoire. Demain, pourra-t-on encore étudier la finance sans parler d’investissements durables, ou d’économie sans évoquer la décroissance ? Pas sûr : pour Timothée Parrique, auteur de Ralentir ou périr (Seuil, 2022), il est grand temps de faire sauter le tabou qui règne autour de la décroissance en l’intégrant aux programmes d’enseignement, défend-il dans une tribune publiée par Les Échos. « En enseignant seulement un modèle, argue l’économiste, on laisse croire aux étudiants qu’ils ne peuvent trouver des solutions que dans celui-ci. C’est comme si on formait des mécaniciens en leur apprenant seulement à se servir d’un marteau alors qu’ils devront gonfler des pneus. » Bref, on ne peut plus se contenter, selon lui, d’ « apprendre par cœur les rouages du “business as usual”. » Tout, ou presque, est à (ré)inventer.
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