Comme dans de nombreux secteurs d’activités, les entreprises du tourisme sont en train de réfléchir à l’usage qu’elles pourraient faire de ChatGPT, l’outil doté d’intelligence artificielle développé par l’entreprise « à but lucratif plafonné » OpenAI. Va-t-il tuer les guides touristiques ? Va-t-il permettre de créer du code à la place des développeurs ? Va-t-il remplacer les rédacteurs de contenu sur le Web ? Plusieurs expérimentations sont en cours mais leurs issues restent incertaines tant qu’OpenAI ne révèle pas ses ambitions.

Une chose est sûre selon Stéphane Roder, Président d’AI Builders, société de conseil en stratégie data et IA, c’est que les modèles de langage créés par OpenAI sont en train de créer une petite révolution, notamment dans le domaine de la recherche sur le Web et de la relation client. « Les moteurs de recherche ont dégradé l’interaction que l’on pouvait avoir pour obtenir la réponse à nos questions », observe-t-il. Avec des outils comme ChatGPT, la conversation sera au centre de la recherche : « On pourra demander à un site quel type d’hôtel on souhaite réserver et obtenir des propositions en fonction de nos critères », continue-t-il. Un cas d’usage qui n’est pas sans rappeler feue Wayblazer, une startup qui utilisait Watson, l’intelligence artificielle d’IBM, afin d’aider les internautes dans leur recherche de voyage par le bais d’une conversation guidée. Le futur voyageur pouvait par exemple taper « Je cherche à faire une escapade romantique en Europe près de la mer » et il obtenait des résultats d’hôtels qui lui correspondent.

Pour Olivier Roche, Directeur de FCB.ai, société spécialisée dans l’IA conversationnelle, ces nouveaux modèles de langage vont permettre de faire gagner du temps lors d’une recherche de voyage. « Aujourd’hui sur Google, il faut consulter plusieurs sites pour trouver ce qu’on recherche. Demain, il suffira de poser une question pour accéder à l’information. Les GAFAM nous ont mal élevé, nous voulons faire le moins d’efforts possible. C’est révolutionnaire, mais cela peut être dangereux car nous irons vers une pensée unique. Comment se passera la régulation ? Qui décidera de la bonne réponse à apporter ? », s’interroge-t-il. Ces questions se posaient déjà avec l’essor des enceintes intelligentes (Echo d’Amazon, Google Home) il y a quelques années. Une intelligence artificielle ne sera jamais neutre, car elle est développée par des humains possédant une culture et des croyances propres.

Rappelons qu’en 2021, Google présentait son moteur de recherche du futur basé sur l’algorithme MUM (Multitask Unified Model). Dopé à l’intelligence artificielle, il agira comme un assistant virtuel de recherche qui fouille le Web pour trouver des solutions à des questions précises. Il sera donc capable de répondre à des questions assez larges telles que « Que dois-je savoir pour me préparer à l’ascension du Mont Fuji ? », mais aussi analyser du texte et des images. On pourra par exemple ajouter une photo de ses chaussures de randonnée et demander à Google : « Est-ce que ces chaussures sont adaptées au Mont Fuji ? ». Le moteur analysera la photo pour répondre et pourra renvoyer vers un site de conseil en équipement de randonnée.

Les capacités de ChatGPT vont néanmoins plus loin qu’une simple sélection d’informations glanées sur Internet. « Je me suis servi de ChatGPT pour écrire une clause tacite de reconduction. Ça, Google ne peut pas le faire aujourd’hui », raconte Olivier Roche. C’est pour cela que l’on parle d’intelligence artificielle générative. Et cette technologie pourra également transformer la relation client, à condition que des données propres aux entreprises soient implémentées en complément des données publiques.

« Les entreprises doivent se lancer dès maintenant pour ne pas être en retard »
Le secteur de la relation client a-t-il attendu l’arrivée de ChatGPT pour réfléchir aux potentialités de l’intelligence artificielle ? Pour Arnaud Bellamy, Co-fondateur de SpringFive, société spécialisée dans la relation client, la réponse est non. « Il faut différencier ChatGPT de l’intelligence artificielle. L’IA est déjà utilisée pour analyser la voix et les émotions en temps réel. Elle aide aussi à prendre la meilleure décision sur la base de l’historique d’une société », explique-t-il. L’outil d’OpenAI n’est pas capable aujourd’hui d’agir comme un outil d’aide à la décision pour la simple et bonne raison qu’elle s’appuie sur des données publiques et non propres à une entreprise. « Aujourd’hui, ChatGPT répond à des prompts (requêtes, ndlr), il ne propose pas de solution. Il faudra donc un intermédiaire dans le cadre d’une conversation entre un client et un conseiller ainsi que ChatGPT », continue-t-il.

Selon lui, si OpenAI décide de proposer la technologie aux entreprises, cela peut être « game changer » : « Cela pourrait permettre aux sociétés clientes de mettre en place des chatbots qui pourront se baser sur un contexte business en fonction de l’historique de la société et bénéficier également des informations présentes sur Internet. Un chatbot développé par la SNCF pourrait par exemple savoir en temps réel qu’un incident est survenu sur une ligne de train et répondre à des questions en prenant cet élément en compte », illustre Arnaud Bellamy.

Pour Olivier Roche, c’est en termes d’usage que la révolution sera la plus palpable. Les sociétés se spécialiseront sur des verticales, nourriront la technologie et adapteront leur ton en fonction du secteur. « Mais plus le monde se digitalise, plus l’humain est important », rappelle-t-il. C’est pourquoi un ChatGPT ne remplacera jamais un agent de voyage selon lui. « Doctolib n’a pas remplacé les médecins, elle a facilité la prise de rendez-vous. La technologie aidera à améliorer les usages et à faire gagner du temps et de l’argent. Elle pourra automatiser la modification d’un billet d’avion par exemple et libèrera ainsi la productivité des employés », ajoute-t-il. En revanche, un ChatGPT pourra devenir un assistant de voyage selon lui. C’est d’ailleurs ce que l’outil nous a répondu lorsque nous l’avons interrogé sur les tendances technologiques dans le voyage : « Oui, une intelligence artificielle comme moi pourrait devenir un compagnon de voyage ». A condition encore une fois qu’il soit possible d’importer des données personnelles pour qu’il puisse prendre en compte un historique.

« La question qui va se poser maintenant est le prix. On ne va pas pouvoir mettre cette technologie partout », complète Stéphane Roder, « ChatGPT est un démonstrateur, maintenant il va falloir bien le programmer. Je pense qu’il va falloir deux ans de développement pour voir émerger de vrais cas d’usage ».  Il faudra comprendre où cette technologie est pertinente et mettre en place de nouveaux modèles économiques. « Les entreprises doivent se lancer dès maintenant pour ne pas être en retard. Les clients sont de plus en plus exigeants et l’écart va se creuser entre elles », conclut le Président d’AI Builders.

Lire l’article complet sur : www.tom.travel