Tout d’un coup, sur Twitter, des posts vantant une nouvelle cryptomonnaie étincellent. La promesse ? Un excellent rendement. Il faut acheter vite car il y a une promotion pour les premiers arrivés. Séduits par cette bonne affaire, les acquéreurs se multiplient et font monter le cours en flèche. Mais c’est une « arnaque à la bouilloire », ou un « pump and dump ». Après une semaine, les arnaqueurs vendent, le cours s’effondre et les « crypto-badauds » se retrouvent sur le carreau avec leur monnaie désormais sans valeur. Le phénomène existe depuis longtemps sur les marchés traditionnels mais il connaît une nouvelle jeunesse avec les cryptos. Il a pris de l’ampleur en 2018 avec la bulle des « ICO », ces émissions de jetons censées financer des start-up crypto plus ou moins sérieuses. Et en 2022, il a atteint une dimension industrielle, à lire le « Crypto Crime Report 2023 » de Chainalysis.
9.902 cryptos bidon repérées
Le spécialiste de l’analyse des cryptos s’est intéressé aux 40.521 jetons créés en 2022 ayant rencontré un intérêt – sur un total de 1,1 million de nouveaux jetons sur l’année, mais qui pour la plupart n’ont donné lieu à aucun échange. Parmi eux, 9.902, soit 24 %, ont connu une baisse drastique de leur cours (90 %) au bout d’une semaine. C’est donc, pour l’auteur de l’étude, la caractéristique principale d’une arnaque à la bouilloire.
Au total, 4,6 milliards de dollars ont été dépensés en 2022 dans ces 9.902 cryptos éphémères. Chainalysis estime à 30 millions de dollars les bénéfices engrangés par les arnaqueurs. Le plus productif a émis 264 jetons sur la période. L’étude ne se penche par sur les NFT mais on y trouve les mêmes phénomènes, comme y ont par exemple goûté les victimes des images de « Mutant Ape Planet » .
La DeFi comme terrain de jeu
Ces acteurs peu scrupuleux ont, en 2022, surfé sur l’abondance de capitaux et sur la peur de manquer la bonne occasion. Les arnaqueurs ont pu miser sur la finance décentralisée (DeFi) comme nouvel outil pour commettre leurs forfaits. Chainalysis prend l’exemple d’un internaute qui crée une crypto, la promeut et la vend le jour du lancement pour empocher 20.000 dollars.
L’auteur de l’étude reconnaît n’avoir étudié que les arnaqueurs les plus pressés, ceux qui tirent les marrons du feu au bout de quelques jours. Mais il explique que le nombre d’arnaques à la bouilloire serait plus important en incluant les plus patients, qui attendent plusieurs semaines.
L’arnaque du « pot de miel »
Parmi les projets qui semblaient à première vue « avoir fait du mieux qu’ils ont pu pour proposer une offre saine et avoir simplement subi les forces du marché », certains avaient en réalité intégré un code dit « honeypot » (pot de miel) à leur crypto, qui empêche tout simplement les acheteurs de revendre leurs actifs, a également découvert Chainalysis. « C’est l’un des indicateurs les plus fiables pour dire que c’est un pump and dump », selon l’étude.
Si ces manipulations bernent les profanes (beaucoup sont peu regardants avant d’acheter , selon une étude récente), elles peuvent aussi séduire des traders plus affûtés qui vont jouer sur leur rapidité d’exécution pour acheter et empocher des gains. Car au jeu de la bouilloire, tout le monde peut gagner, mais à condition d’acheter tant que l’eau n’est pas trop chaude, car lorsque les arnaqueurs vendent, on se fait très vite refroidir.
« Big Pump Signal » sur Telegram
Entre les deux, des internautes paient des abonnements (une centaine de dollars par mois) à des groupes sur la messagerie Telegram. Là, ils y trouvent des annonces de lancements de cryptos afin d’entrer très tôt dans un projet, quand le token ne vaut que quelques millièmes de centimes.
Le groupe appelé « Big Pump Signal » fédère par exemple 116.000 membres. Il donne même des avantages, selon les principes du marketing d’affiliation, à ceux qui parrainent d’autres personnes ; plus on est de fous, plus la « pompe » portera haut le cours de la crypto lorsque tout le monde achètera au même moment.
Sur la messagerie, des pastilles rouges avertissent qu’il ne s’agit « pas de conseils financiers », que c’est « très risqué » et qu’il faut veiller à « se forger son propre avis ». Mais sur les grandes plateformes centralisées de cryptos, comme Binance, Kraken ou Coinbase, qui ont le pouvoir de filtrer ces arnaques, les garde-fous se font attendre.
Thomas Pontiroli
Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr
Leave A Comment