La crise du bio se poursuit. Dans le secteur du lait, qui était l’un des plus engagés dans cette voie, les consommateurs ne suivent plus . Les produits laitiers bio sont jugés trop chers, même si l’écart avec les produits conventionnels s’est réduit à 10 %. La multiplication de mentions marketing valorisantes comme le « lait des alpages », « lait local », « petit producteur », « sans lactose », souvent moins coûteuses, a brouillé les pistes. Résultat, un litre de lait bio sur trois est aujourd’hui déclassé et vendu comme lait conventionnel, selon le CNIEL (Centre national interprofessionnel de l’économie laitière). Et ce n’est pas fini. Le déclassement pourrait atteindre 43 % en 2023.
La situation est critique : la collecte bio continue d’augmenter (+2,7 % l’an dernier) alors que le marché n’est plus là. Nombre d’éleveurs ont entamé leur conversion tout juste avant la crise, il y a deux ans, et leur production arrive en ce moment sur le marché.
Des producteurs arrêtent le bio
« La plupart des laiteries ont donné un coup d’arrêt aux nouvelles conversions, mais un certain nombre de nouveaux éleveurs bio devraient encore finaliser leur conversion début 2023 », explique l’interprofession. Les volumes ont atteint 1,26 milliard de litres en 2022 et représentent désormais 5,4 % de la collecte laitière totale, avec 4.200 producteurs.
Phénomène inédit dans le bio, des producteurs jettent l’éponge . Aux termes de l’enquête menée par le CNIEL, les cessations d’activité en bio vont s’accélérer. Elles sont le fait d’éleveurs qui vont « fermer leur atelier » ou qui vont repasser en production conventionnelle. Les cessations ont approché les 3 % en 2022, mais elles pourraient atteindre 4 à 5 % fin 2023, souligne le CNIEL. « C’est tout à fait nouveau. Auparavant, les cessations étaient marginales, d’autant que le taux de reprise des ateliers de lait bio était supérieur » à ce qui se passe en production laitière classique.
Combien de temps ce marasme va-t-il encore durer ? « En 2024, les dernières conversions seront finalisées. La collecte baissera », prédit le CNIEL. Elle pourrait retrouver son niveau de 2021 à 1,22 milliard de litres. « Cette baisse de l’offre sera largement insuffisante pour éponger les lourds excédents du bio, qui vont dépasser les 30 % du lait collecté », poursuit le CNIEL.
Manque à gagner de 130 millions d’euros
La Fédération nationale des producteurs de lait estime à 60 millions d’euros le manque à gagner de la filière bio en 2022 et à 71 millions cette année, à cause de ces déclassements. Elle réclame un plan d’urgence.
« L’Etat nous a poussés à nous convertir au bio. On a besoin d’une transition économique. Si rien n’est fait, les cessations vont se poursuivre et, dans trois ans, on manquera de bio. On marche sur la tête », s’exclame Thierry Roquefeuil, le président de la Fédération nationale des producteurs laitiers .
Matignon a, selon l’AFP, confirmé mardi qu’ «une aide de 10 millions d’euros sera accordée aux exploitations bio les plus en difficulté». Une somme jugée «dérisoire» qui a déclenché la colère de la filière au Salon. ‘Bio méprisée. Bio enterrée’: le message a été tagué, à la hâte, sur une bâche déployée devant le stand de l’Agence bio.
Les ventes s’effondrent depuis 2021. Après avoir connu une forte croissance ces dernières années, la consommation de produits laitiers bio a chuté dans toutes les catégories dans les linéaires de la grande distribution. Cette tendance s’est même accélérée en 2022 avec la pression inflationniste qui pousse les ménages à se tourner vers les premiers prix. En 2022, la crème bio est tombée en dessous du niveau des ventes de 2019 en chutant de 19 %, l’ultra-frais a reculé de 17 %, le beurre de 13 % et le lait de 9 %.
Chez Lactalis, leader mondial des produits laitiers , on pense que le consommateur s’est détourné du bio parce qu’« il n’en voit plus le bénéfice. Si on veut le relancer, il faut en renouveler les promesses pour faire la différence avec les autres mentions valorisantes. Aller plus loin dans les engagements environnementaux par exemple, avance Jean-Marc Bernier, le directeur général du groupe en France. Cela suffira-t-il ? Nul ne le sait, mais nous ne baissons pas les bras. »
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