Le projet de fusion des Monoprix, Casino et Franprix avec la nouvelle société créée par Moez-Alexandre Zouari, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, et contrôlée par InVivo, s’accélère. Il obéit à plusieurs logiques.En s’associant avec Teract, Casino pourrait installer des boulangeries Louise dans ses magasins. (DR)
Par Philippe Bertrand
Publié le 10 mars 2023 à 11:19Mis à jour le 10 mars 2023 à 16:25
Le projet préfigure l’avenir de Casino. Et il avance. Début février, Casino avait annoncé l’entame de discussions avec Teract, la nouvelle société constituée par la coopérative InVivo, Moez-Alexandre Zouari (premier franchisé Casino, détenteur de 49 % de Picard), Xavier Niel et Matthieu Pigasse. Jeudi soir, le distributeur est passé au stade des négociations exclusives avec des précisions qui donnent du corps à l’opération.
L’objectif est toujours le même : une fusion entre les activités françaises du distributeur (Casino, Monoprix, Franprix) et la structure qui projette le développement d’une copie de Grand Frais, baptisé « Grand Marché- Frais d’ici », pour « créer le leader français de la distribution responsable et durable ». Une nouvelle entité qui serait contrôlée à 85 % par Casino, et à 15 % par Teract.
1. Des synergies commerciales
Teract est issu de l’absorption de 2MX Organic, le SPAC de Zouari, Niel et Pigasse, par InVivo Retail, la filiale de la coopérative céréalière, également présente dans le vin, qui exploite les jardineries Jardiland et Gamm vert. Les Grand Marché-Frais d’ici s’installeraient sur les réserves foncières des spécialistes du jardinage. C’est InVivo qui a le contrôle de la société, Zouari détenant 12 %, Niel et Pigasse 2 %.
Dans le projet qui pourrait aboutir d’ici à la fin 2023, Casino a vocation à travailler avec Teract sur la création d’une centrale d’achats de produits alimentaires locaux et frais baptisée « Teract Ferme France », qui bonifieraient ses assortiments. Celle-ci serait contrôlée par InVivo, quand Casino aurait le contrôle du pôle magasins“ Pourquoi Casino et Jean-Charles Naouri ont un beau coup à jouer avec Teract
La coopérative est l’un des premiers groupes agricoles européens avec 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires, plus de 14.000 collaborateurs et plus de 90 sites industriels dans 38 pays. Il est engagé sous la direction de Thierry Blandinières dans la transition vers une alimentation durable. Le céréalier, qui vient de racheter le négociant Soufflet, mise sur l’appétit des consommateurs pour des produits de qualité.
Casino fait le même pari et comptera sur son partenaire pour améliorer son offre en fruits et légumes, pour faire du meilleur pain avec du meilleur blé et mise sur l’expertise des boulangeries Louise, que Teract a reprises. Pour Jean-Charles Naouri, PDG-actionnaire de Casino, la transition alimentaire est la clé du « deal » en préparation.
2. Une gouvernance qualifiée
Jean-Charles Naouri connaît bien Moez-Alexandre Zouari. Ce dernier est son premier franchisé, avec 150 « Monop » et Franprix. Depuis vingt ans, il a développé une parfaite connaissance de l’exploitation des magasins. « Comme De Gaulle et Churchill, ce sont des alliés, des alliés qui ne se sont pas toujours bien entendus, mais des alliés tout de même », glisse un proche du dossier.
La rumeur prête à Moez-Alexandre Zouari la volonté de prendre la direction générale du nouvel ensemble qui inclut Casino France, comme il assure celle de Teract, reléguant Jean-Charles Naouri, qui resterait majoritaire, au rôle de président. Une source indique aux « Echos » qu’au contraire « le fait que Zouari ne soit pas directeur général a été posé comme préalable à la discussion »…
Hors des questions de préséance, Teract apportera une autre expertise métier en la personne de Guillaume Darrasse, directeur général délégué de Teract et ex-patron d’InVivo Retail (les jardineries). Un homme qui a occupé le poste de directeur général délégué de Système U pendant treize ans, jusqu’en 2018, et qui a géré auparavant la centrale d’achat de Casino. « C’était le meilleur », se souvient un ancien cadre dirigeant du distributeur.
Alors que l’âge de Jean-Charles Naouri, 74 ans, interroge sur sa succession, l’arrivée dans le groupe de deux professionnels aguerris pourrait rassurer les investisseurs.
3. Les finances de Casino
Si les dirigeants de Casino mettent en avant l’intérêt « métier » du projet de fusion de leurs activités françaises avec Teract, l’opération pourrait être le dernier montage du système financier que construit et déconstruit Jean-Charles Naouri depuis des années pour desserrer l’étau de la dette qui étouffe ses affaires, Casino et son holding de tête, Rallye.
Dans une note du mois dernier, Bryan, Garnier & Co imagine que Casino pourrait transférer à la nouvelle entité la dette sécurisée d’un montant de 2,3 milliards d’euros que porte Casino France. Le groupe Casino deviendrait un genre de holding qui conserverait 3,6 milliards de dette non sécurisée. David Lubek, directeur financier de Casino, a estimé vendredi qu’il était « trop tôt » pour évoquer ce sujet de la dette.
L’ensemble Casino France-Teract pourrait aussi bénéficier d’argent frais, par le biais d’une augmentation de capital ouverte à ses actionnaires, ou par l’entrée d’un nouvel investisseur. Dans le communiqué publié jeudi soir, les parties évoquent « un niveau de fonds propres supplémentaires de l’ordre de 500 millions d’euros ». Casino et les actionnaires de Teract ont « d’ores et déjà engagé des discussions avec un certain nombre d’investisseurs », précise le texte.
4. La valeur de Monoprix et Franprix
Casino vient par ailleurs d’annoncer la cession d’un nouveau bloc de sa participation dans Assai, les lucratifs « cash and carry » brésiliens, pour un montant de 600 millions de dollars, qui ramènerait sa part à 17 % environ contre 30 % aujourd’hui. Casino devra honorer des échéances d’un montant total de 1,2 milliard en 2024 et 2025. Le schéma qui s’esquisse est la vente d’actifs ou de blocs d’actifs sud-américains supplémentaires. Et pour éponger les créances du holding Rallye grâce à des remontées de dividendes (4 milliards en théorie), c’est la sortie d’Amérique qui se profile. Casino se recentrerait alors sur la France avec Teract.
Coté en Bourse, Teract vaut 440 millions d’euros. En proportion, la fusion donnerait donc à Casino France, qui conserverait 85 % du nouvel ensemble, une valeur d’environ de 2,5 milliards. Or aujourd’hui, la capitalisation boursière de l’ensemble du groupe Casino est inférieure à… 900 millions.
Depuis longtemps, les dirigeants de Casino expliquent que les actifs de leur groupe, ne serait-ce qu’en France, valent bien plus que celle des actions Casino. Jean-Charles Naouri a entrepris de faire ressortir cette valeur au Brésil, en cotant Assai, et le fera bientôt en Colombie avec Exito. L’opération Teract revient à introduire en Bourse Monoprix et Franprix. Plus les actifs Casino valent, plus la participation de Rallye (51 %) dans Casino vaut, et plus il sera facile au holding de refinancer sa dette.
Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr
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