L’expansion est de retour après dix ans de glaciation du réseau. Pour les Américains, c’était un crève-coeur de voir les boutiques s’empoussiérer puis disparaître. Les librairies au papier peint vert-chasseur ont bercé leur enfance. Dans l’inconscient collectif, l’esperluette en vitrine du magasin principal, sur Union Square, à New York, est aussi évocatrice que le « M » jaune de McDonald’s.

« Avant, les magasins étaient sombres, vert foncé. Ici, tout est léger et lumineux », s’extasie Shirley, une grande femme d’origine asiatique qui s’est accordé une pause entre deux rendez-vous professionnels pour feuilleter romans et thrillers dans le nouveau magasin du New Jersey. Une gaieté qu’accentuent encore les alignements d’ouvrages pimpants et multicolores – bien plus qu’en France, où un graphisme classique reste de mise pour la grande littérature. La boutique lui sert de showroom : « J’adore regarder les couvertures, poursuit Shirley. Mais je vais probablement acheter en ligne. J’irai sur leur site Web, par loyauté, et par nostalgie ! »

« Mieux organisé qu’avant »
Le passé glorieux du libraire n’émeut pas un instant David et son copain, deux étudiants latinos qu’on rencontre, l’un accroupi en train de remplir un grand sac avec une quinzaine de mangas, l’autre debout à balayer du doigt les ouvrages en rayon. « On se fiche du design de la boutique. On est venus à l’ouverture pour prendre les introuvables avant qu’ils ne disparaissent », explique David, en serrant trois volumes de « Vagabond » d’Inoue Takehiko comme s’il s’agissait d’incunables. Les deux experts n’ont pas de temps à perdre avec plus de questions.

On serpente dans les « pièces » de ce magasin-maison, organisé en compartiments – romances, polars, mangas, arts, documents, etc. Ici, un lecteur concentré est assis dans un fauteuil, près d’une table basse. On sort sur la pointe des pieds de son salon. Là, c’est le quartier des enfants, joyeux, tout se passe au ras du sol, mais les kids sont encore à l’école. Au rayon cuisine, Dallis trouve que c’est vraiment « mieux organisé » qu’avant. « Il fallait demander de l’aide pour trouver quelque chose, maintenant, on peut se débrouiller sans eux », explique cette grand-mère qui vient à la librairie au moins deux fois par mois avec sa petite fille autiste et déscolarisée, « pour qu’elle ne régresse pas ».

« Une atmosphère vibrante »
Depuis que les magasins ont rouvert en juin 2020, après le choc initial du Covid, l’organisation a été repensée pour limiter les contacts avec les vendeurs, donc les risques de contagion. Les libraires ont écrit des commentaires sur leurs livres préférés, et les étiquettes ont été collées sur les rayonnages. Une réussite. « Moi, j’aime les livres de management ou d’histoire, un autre employé préfère la fiction. Nous aimons tous les livres ici, et le week-end, nous lisons. On suggère à chacun d’émettre ses recommandations et on trouve sans peine des volontaires », explique Nicola Sterling, la patronne du nouveau magasin.

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