Climat : la France doit se préparer à l’éventualité d’un violent réchauffement
L'annonce avait secoué. Il y a quelques semaines, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, avait estimé que la France devait se préparer à un réchauffement climatique qui pourrait être de +4 °C d'ici à la fin du siècle. Loin donc des scénarios sur lesquels reposaient jusqu'ici les plans nationaux d'adaptation du pays, établis sur l'idée que l'objectif de l'Accord de Paris de limiter le réchauffement en deçà de +2 °C, voire 1,5 °C, serait tenu sur le plan mondial. « Nous devons nous adapter en mesurant que tout ne dépend pas de nous », a expliqué le ministre lors d'une conférence de presse ce jeudi. « Et quand bien même nous réussirions à tenir tous les objectifs de baisse des émissions en 2030 et de neutralité carbone en 2050, la vérité est qu'actuellement, même si l'Europe a commencé à réduire ses émissions de l'ordre de 30 % et qu'elle doit intensifier ses efforts, la pente globale sur laquelle nous sommes n'est pas le respect de l'Accord de Paris, mais une augmentation des températures comprises entre 2,8 °C et 3,2 °C ». Affronter la réalité Or, quand on prend un chiffre mondial, il faut globalement ajouter 50 % pour savoir l'effet en France de ce réchauffement, a-t-il précisé. Une métropole à +4 °C : c'est l'emballement dépeint dès 2021 par les experts de Météo France à partir des travaux du Giec, sans actions fortes du monde pour contrôler les émissions de CO2. Un climat inconnu, qui serait alors ravageur si l'Hexagone ne s'adapte pas. Ce jeudi, les 50 membres du Conseil national de la transition écologique (CNTE), qui regroupe des représentants de syndicats, d'organisations patronales, d'ONG, de collectivités et des parlementaires, se sont accordés pour dire qu'une telle hypothèse devait être retenue pour la nouvelle trajectoire d'adaptation de la France au changement climatique. Ils proposent qu'elle soit définie dans la loi de programmation énergie-climat (attendue à l'automne) et serve de référence à toutes les actions d'adaptation à mener. Et invite le gouvernement à la décliner localement. LIRE AUSSI : Climat : la France est mal armée pour faire face aux crises à venir Ce verdict a été rendu « à l'unanimité » par l'instance de dialogue, tient à préciser le sénateur Ronan Dantec et vice-président de la commission spécialisée du CNTE consacrée à l'adaptation. « Ça dit un consensus aujourd'hui de la société française dans sa prise de conscience qu'il faut affronter la réalité de ce changement climatique, et de manière lucide ». Le prochain plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) actuellement en préparation, qui sera rendu public en fin d'année, devra donc évaluer les impacts, les coûts, les conséquences assurantielles en termes de survenance des risques ou d'évolution des réglementations pour les infrastructures, a détaillé Christophe Béchu. L'objectif ? « Avoir une résilience qui nous permette de faire face à des températures nettement plus élevées que celles sur lesquelles nous [étions] calés ». Gestion des vagues de chaleur Car un réchauffement à +4 °C c'est un mercure qui peut atteindre 50 °C, mais aussi une multiplication des feux de forêts et une montée des eaux plus importante , pointe le ministre. Le futur plan s'attaquera à quatre grandes priorités : protéger les Français et notamment leur santé, adapter l'économie (« plus la température augmente, moins il sera viable d'avoir des stations de ski à basse altitude », expose Christophe Béchu) et l'agriculture, assurer la continuité des infrastructures et des services essentiels, dans les transports, l'énergie, les télécommunications, eau potable, écoles, etc., et enfin protéger les milieux naturels comme culturels, c'est-à-dire le patrimoine. C'est un changement profond. La France est longtemps restée dans la gestion de crise , s'adaptant surtout au coup par coup, expliquait l'an passé aux « Echos » la géographe Magali Reghezza, spécialiste de l'environnement et des catastrophes naturelles. LIRE AUSSI : Erosion du littoral : le gouvernement s'attaque à l'épineuse question financière Réchauffement climatique : les prévisions alarmistes de Météo France « A partir du moment où on a une trajectoire claire fixée par l'Etat, cela signifie que dans toute décision publique, on ne prend plus uniquement les données passées, mais aussi les données prévisibles. Ca sera une différence fondamentale », souligne Ronan Dantec. Selon lui, « cela se chiffrera aussi en milliards économisés en évitant la mal-adaptation au changement climatique, car on se sera posé les bonnes questions ». Christophe Béchu entend maintenant « mettre en consultation les 4 °C » afin de « partager cette réalité avec les Français ». Un document sera rendu public d'ici à quinze jours. Avant fin mai, un « plan national de gestion des vagues de chaleur » doté de plusieurs dizaines de mesures suivra. Avec la promesse d'être la « première conséquence concrète de cette adaptation ».