A la faveur des ponts de mai, le tourisme tricolore a vécu un printemps radieux. Mais les images du Mont Saint-Michel, complètement saturé pendant le week-end de l’Ascension, ont relancé le débat sur le surtourisme, qui inquiète autant les pouvoirs publics que les opérateurs privés.
Dans ce contexte, l’Alliance France Tourisme (AFT), qui regroupe une grande partie des poids lourds du secteur (Accor, Aéroports de Paris, Galeries Lafayette, Compagnie des Alpes, etc.), entend se saisir du sujet. « Il est nécessaire de ne pas tomber dans l’exagération, puisque cela ne concerne qu’un nombre de sites et de périodes limités. Mais il ne faut pas être dans le déni, car il y a un effet amplificateur susceptible de donner une mauvaise image du tourisme. C’est donc dans notre intérêt de prendre le dossier en main. Il faut réagir », résume son président Dominique Marcel.
Discussion avec l’Education nationale
Pour y parvenir, l’AFT a publié ce mardi une série de propositions, parmi lesquelles une adaptation de la gouvernance, arguant qu’aucune « véritable réflexion officielle et structurée n’est conduite à ce sujet au plan national ». Elle souhaite ainsi la création de structures dédiées et décentralisées incluant les autorités locales, les habitants concernés et les acteurs privés.
Surtout, elle préconise une meilleure répartition des flux touristiques, y compris dans le temps. Objectif : « désaisonnaliser le tourisme », en assurant la promotion « d’expériences et activités touristiques durant l’intersaison, en créant des événements ou activités hors saison ou en adaptant mieux la tarification à la fréquentation des lieux pour favoriser la visite pendant les périodes creuses ». Elle souhaite également engager des discussions avec l’Education nationale « sur la question des dates de vacances scolaires pour envisager une coordination optimale de cette période entre scolarité et saisonnalité ».
En outre, les professionnels proposent « d’étendre le territoire touristique » français, à l’image de ce qui peut se faire à l’étranger dans le but de désengorger les grandes villes. A Amsterdam, le projet « Visit Amsterdam, See Holland » lancé en 2009 et qui incite à découvrir la campagne néerlandaise en complément du séjour classique dans la capitale, a participé à relâcher la pression. Venise, mais aussi Londres, invitent, quant à elles, les touristes à découvrir la ville comme un local de l’étape, en les dirigeant vers des lieux désertés par la foule.
A Paris, où quelques attractions concentrent la majorité des flux, l’idée a également fait son chemin. « Avant que Notre-Dame ne brûle, nous incitions déjà à visiter la basilique de Saint-Denis, qui est au moins aussi belle, mais où il n’y a jamais foule », illustre Jean-François Rial, président de l’Office du tourisme de Paris et par ailleurs patron de Voyageurs du monde. Et de rappeler plus globalement que « 98 % de la planète ne sont visités par personne ».
« Démarketing » et réservations à l’avance
Une autre stratégie, déjà éprouvée en France, consiste à ne plus faire la promotion des sites trop fréquentés, voire de les déconseiller au public. Ce « démarketing » a, par exemple, été utilisé pour les calanques de Marseille, ou par l’office du tourisme de Porto-Vecchio, en diffusant des images de plages bondées.
Côté marketing toujours, beaucoup de destinations aiguillent désormais les touristes vers des lieux plus confidentiels, en complément des « classiques » de la région. A Saint-Malo, les autorités vantent ainsi les mérites d’une « chasse au trésor » pour découvrir les alentours de la ville. « Saint-Malo ou le Mont Saint-Michel restent des têtes de gondole, mais l’idée est de faire découvrir l’ensemble du territoire », résume Jean-Virgile Crance, premier adjoint au maire.
Enfin, pour certains sites, le recours à un système de préréservation est encouragé. Le Parc national des calanques mais aussi plusieurs parcs de loisirs ont déjà choisi cette solution pour éviter les congestions.
Avantages pour les locaux
Outre l’amélioration de l’expérience des touristes, souvent pénible lors des pics de fréquentation, cette meilleure répartition doit aussi soulager les populations locales. L’Alliance France Tourisme pointe ainsi la nécessité « d’aider les habitants à se réapproprier des lieux touristiques en leur accordant des entrées gratuites, des tarifs réduits ou préférentiels, ou des permis spéciaux ».
Le tout accompagné d’un effort de toute la filière pour mettre en avant « les avantages économiques sociaux et culturels générés par l’activité touristique ». En d’autres termes, faire valoir les vertus du tourisme pour l’écosystème local, tout en rendant plus supportable l’afflux de visiteurs. « Plus vous associez vos administrés, mieux c’est », acquiesce Jean-Virgile Crance.
Reste, enfin, le problème des touristes eux-mêmes, qui devront être « sensibilisés » aux impacts du surtourisme « par des campagnes de communication, ou des chartes de bonne conduite », selon l’AFT. Idem pour les influenceurs qui, en donnant un coup de projecteur parfois brutal à des sites, contribuent au phénomène. Car finalement, « si les opérateurs publics et privés ont laissé faire pendant des années, les principaux responsables du surtourisme sont bien les clients », conclut Jean-François Rial.
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