Lorsque Champ lui demande de revenir sur « la première fois qu’il a bu », le personnage de BoJack balaie d’un revers de main la question : « Quand n’était-ce pas la première fois que j’ai bu ? » Les rires que l’on entend autour de lui n’émanent pas d’une bande de potes éméchés, mais d’un groupe d’anciens addicts désormais « sur la route de la sobriété ». Et si la séquence fait temporairement travailler les muscles zygomatiques de ses spectateurs, ce n’est que pour mieux souligner la gravité du sujet.
Cette scène de BoJack Horseman, série animée Netflix à succès en forme de portrait grinçant d’une ancienne star de télévision, s’inscrit dans un épisode (S06,E01) tout entier dédié à la délicate prise de conscience, par le protagoniste lui-même, de son addiction. Questions introspectives tournées en dérision, déni vis-à-vis d’un passé traumatique, vannes agressives envoyées à la figure de ses partenaires… « A Horse Walks into a Rehab » dépeint avec finesse les différents mécanismes de défense employés par BoJack pour éviter de se confronter à son trouble. Jusqu’à sa rédemption, qui se déroulera pas à pas au fil de la saison, grâce à plusieurs sessions thérapeutiques et aux conseils avisés du docteur Champ.
Shameless, Euphoria, Mom, Flaked… De fait, BoJack Horseman est loin d’être un cas isolé. Les séries contemporaines traitant frontalement des périls et des risques liés à la consommation d’alcool – et plus seulement de son effet euphorisant – se multiplient. Symbole parmi d’autres de ce changement de paradigme, même le récent sequel de Sex and the City tente de corriger le tir de sa glorification d’antan des boissons alcoolisées, en faisant de l’addiction de Miranda une intrigue de premier plan.
Baisse « significative »
Signe que les temps changent ? De l’autre côté de l’écran, en tout cas, les chiffres montrent une baisse significative de la consommation d’alcool chez les jeunes générations occidentales. Notamment en France où de plus en plus d’adolescents assument haut et fort ne pas goûter aux plaisirs de la boisson. De là à parler de révolution culturelle, il n’y a qu’un pas que les commentateurs les plus téméraires ont déjà osé franchir. Mais quelle réalité recouvre vraiment ce phénomène ? Entre facteurs contextuels et transformations durables, comment expliquer cette chute ? Surtout, est-il réaliste d’envisager un avenir où les générations futures se passeraient totalement de l’alcool ?
Le vin, alcool en chute libre mais toujours romantisé
En France, de 128 litres par an et par personne en moyenne en 1960, la consommation de vin est tombée à 36 litres en 2018. Chez les 25–35 ans, le vin n’occupe même « que » 27 % des parts de marché, contre 32 % pour la bière. Au grand dam des professionnels… mais aussi du gouvernement, fervent défenseur de la filière. En 2019, le ministre de l’Agriculture de l’époque, Didier Guillaume, assurait notamment que « le vin n’est pas un alcool comme les autres ». Selon l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), un verre de vin ou de champagne de 10 cl contient pourtant autant d’alcool qu’un verre de Porto de 6 cl, un demi de bière de 25 cl, ou encore un verre de whisky de 3 cl.
Pour se faire une idée précise du tableau général dans l’Hexagone, les spécialistes du sujet se réfèrent généralement à l’enquête ESCAPAD (pour « Enquête sur la Santé et les Consommations lors de l’Appel de Préparation À la Défense »).
Comme son nom l’indique, celle-ci est menée depuis les années 2000 par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) auprès de 22 000 jeunes pendant leur rituelle Journée défense et citoyenneté, soit autour de 17 ans.
La dernière version disponible, datée de mars 2022, souligne bel et bien une « augmentation significative de la part d’adolescents n’ayant jamais bu d’alcool au cours de leur vie » ces quinze dernières années, celle-ci étant passée de 4,4 % en 2002 à 14,4 % en 2017.
Dans le détail, l’OFDT fait notamment valoir que cette hausse s’est « logiquement accompagnée » d’une élévation de l’âge moyen d’expérimentation (passé de 13,3 ans en 2000 à 14,3 ans en 2017), mais aussi d’un recul des usages occasionnels ainsi que d’une chute la proportion d’ados n’ayant pas bu du tout durant le mois précédant l’enquête (33,6 % en 2017 contre 20,8 % en 2000). Même si, « avec près de 4 millions d’expérimentateurs avant l’âge légal d’accès, les boissons alcoolisées demeurent à ce jour les substances les plus répandues à l’adolescence (…) cette tendance s’inscrit dans un cadre plus large de baisse continue des usages d’alcool [et en particulier du vin, voire notre encadré] chez les adultes depuis maintenant deux décennies », résume l’organisme publ
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