Cela fait presque cinq ans que les acteurs français du grand commerce annoncent la consolidation de leur marché. « Il y a beaucoup de concurrents et les marges sont faibles dans le secteur. De plus, nous ne sommes qu’au début de l’arrivée de grandes plateformes comme Amazon. Il y aura des difficultés et des consolidations dans les années à venir », déclarait Alexandre Bompard en juin 2019, lors de l’assemblée générale de Carrefour.

Avec le rachat de Cora et des supermarchés Match ce mercredi, le PDG passe aux actes. Enfin ! diront les critiques qui ont pensé un moment qu’il avait atteint le principe de Peter des fusions-acquisitions en ratant successivement un rapprochement avec Casino, en 2018, l’OPA du canadien Couche-Tard, fin 2020, et le projet « Merlot » d’intégration avec Auchan un an plus tard. C’est surtout la déconfiture de Casino qui a déverrouillé le système.

Début de démembrement
Placé sous le régime de la consolidation, incapable de rembourser ses dettes, le groupe de Jean-Charles Naouri fait l’objet d’une bataille entre deux repreneurs : le duo Daniel Kretinsky-Marc Ladreit de Lacharrière et le trio Zouari-Niel-Pigasse. La lutte pour la survie du plus que centenaire de Saint-Etienne (Loire) entraîne un début de démembrement. Déjà 180 magasins Casino sont promis à Intermarché. Ils représentent 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires.
Fort de leur dynamisme commercial, les Mousquetaires comptent porter ce chiffre à au moins 2,5 milliards, représentant environ 1,5 point de part de marché qui s’ajouterait à leurs 15,3 % et les aurait conduits à se rapprocher des 19,8 % de Carrefour, lequel ne pouvait prendre le risque de rétrograder à la troisième place de son marché national, dix ans après avoir dû céder le leadership à Leclerc.
Le séisme Casino connaîtra d’autres répliques. Avec moins de 8 % de part de marché (toujours selon Kantar) et un parc constitué pour l’essentiel de grands hypermarchés, Auchan fait figure d’homme malade de la distribution française.
Pour les Mulliez, la fusion avec Carrefour constituait le remède idéal, une façon de sortir de la crise par le haut. Cette fusion reste à faire. Dans tous les cas, Auchan doit bouger. Déjà Lidl pèse aussi lourd que lui dans le cabas des ménagères.

Zéro artificialisation
La consolidation est compliquée pour les réseaux d’indépendants. Mais ils y participent quand même, à l’image d’Intermarché. Abandonné par son partenaire des achats Carrefour, Système U se retrouve isolé. Surtout, la loi qui interdit toute artificialisation des sols va empêcher les adhérents Leclerc, U et Intermarché de croître comme ils le faisaient par extensions successives.
La France n’acceptant plus de nouveaux grands supermarchés et hypermarchés, les sites existants reprennent de la valeur. Les emplacements deviennent rares et les parts de marché précieuses. Thierry Cotillard, le président d’Intermarché l’a bien compris en se jetant sur les magasins dont Casino a voulu se débarrasser. La consolidation ne se joue plus uniquement à l’échelle des groupes. La bataille se livre désormais magasin par magasin. Après la guerre des prix, la guerre des mètres carrés est engagée.

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