Les distributeurs attendaient la consolidation du marché français depuis des années. Elle intervient. La descente aux enfers de Casino a débloqué la mécanique.

Alors que tout le monde regarde du côté de Monoprix et Franprix , Carrefour opère sa première grosse acquisition en France depuis vingt ans avec le rachat de Cora et de Match, les réseaux d’hypermarchés et de supermarchés du groupe d’origine belge Louis Delhaize de la famille Bouriez. Un total de 60 hypers et 115 supermarchés changent de mains pour une valeur d’entreprise de 1,05 milliard d’euros. La finalisation de l’opération est attendue mi-2024 après consultation de l’Autorité de la concurrence.
« Le parc de magasins acquis présente une très forte complémentarité géographique avec celui de Carrefour, avec des parts de marché particulièrement importantes dans les régions Grand Est et nord de la France, où Carrefour est peu présent », indique le communiqué de Carrefour, qui ne craint pas l’antitrust.

Tenir Intermarché à distance
Le groupe dirigé par Alexandre Bompard ajoute 5,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires (avec essence) aux 42 milliards qu’il réalise dans l’Hexagone. Il additionne les 2,5 % de part de marché de Cora (1,8 %) et Match (0,7 %) telle que définie par l’institut Kantar à fin juin, à ses 19,8 %. Cela lui permet de rester dans la roue du leader Leclerc, qui caracole avec 23,5 % et un gain d’un point sur le seul dernier mois.
Carrefour prend ses distances avec le numéro 3, Intermarché (15,3 %), signataire d’un accord pour l’acquisition de 180 magasins Casino (au moins) qui renforceront son poids. Si l’on se base sur le classement de l’année pleine 2022, Carrefour et Cora atteignent 22,6 % de part de marché, un poil devant Leclerc (22,4 %).
Les magasins Cora et Match gagnent globalement de l’argent avec un Ebitda de 189 millions d’euros. Carrefour promet l’ajout en trois ans de 110 millions grâce à une série de synergies. L’intégration coûtera 200 millions.
« Cette opération se conforme à notre stratégie de croissance externe par des acquisitions ciblées, comme nous l’avons fait avec Big au Brésil , des opérations qui comportent peu de risques d’exécution », explique Alexandre Bompard aux « Echos ». « Dans un marché en consolidation, la part de marché est précieuse », reconnaît le PDG, qui ajoute : « Il y a quelques années, nous n’aurions pas eu les moyens ni la méthode industrielle pour faire une telle acquisition. »

Un volet immobilier
Carrefour, qui possède déjà 30 % du marché français de la livraison à domicile, ne reprend pas les jardineries Truffaut, propriété de Louis Delhaize depuis 1990, ni Houra.fr, l’un des pionniers (créé en 2000) de la vente de produits alimentaires en ligne.
Selon Alexandre Bompard, la réflexion suit son cours sur le devenir des enseignes Cora et Match. « Elles ont développé un lien fort avec les clients, notamment dans l’Est et le Nord », constate-t-il. Les synergies seront néanmoins effectives à l’achat (Carrefour et Cora ont fait centrale d’achat commune il y a quelques années) et sur le plan de la productivité avec la méthode « Maxi » qui réactive déjà les hypers Carrefour.
Le repreneur n’a pas plus statué sur le sort des sièges de Cora et Match, qui sont répartis sur plusieurs sites en Ile-de-France pour l’essentiel. Carrefour vient de lancer un plan de départs volontaires d’environ 900 personnes pour ses propres sièges…
Les financiers noteront que la transaction comprend deux volets immobiliers. Carrefour reprend les murs de 55 hypermarchés et 77 supermarchés. Carmila, la foncière dont le groupe détient 36 % a, par ailleurs, conclu un accord avec le groupe Louis Delhaize pour reprendre leur participation de 93 % dans Galimmo, qui détient 52 galeries commerciales adjacentes à des magasins Cora. Carrefour est ainsi assuré de l’alignement de la gestion de ses nouveaux magasins avec les galeries qui les entourent.

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