Rothschild renoue avec son histoire. La famille déclenche ce lundi l’OPA annoncée sur sa prestigieuse banque d’affaires avant ses adieux définitifs à la Bourse. L’ultime étape du retour de la dynastie à ses racines bicentenaires : en 1982, pour survivre à la nationalisation voulue par le gouvernement socialiste, elle avait été forcée de renoncer à l’usage de son nom et de côtoyer les marchés publics.

Après son expropriation par François Mitterrand, se refusant à mettre fin à la longue lignée de banquiers familiaux, David de Rothschild avait fait renaître de ses cendres la maison de haute finance au travers d’une ancienne compagnie ferroviaire, Paris Orléans, cotée en Bourse depuis 1838 et acquise par James de Rothschild, échappant ainsi à l’emprise complète de l’Etat.

Le patriarche, qui a oeuvré des décennies à forger les alliances du capitalisme européen, lui a transmis le patronyme dynastique il y a huit ans – sous l’appellation Rothschild & Co -, avant de confier les rênes de la banque à son fils Alexandre en 2018.
Ces adieux à la Bourse signeront le retrait des marchés cotés pour l’ensemble des branches familiales. La maison de son cousin Edmond de Rothschild, la Compagnie Financière, cotée en Suisse depuis 1987, les a devancés de quatre ans en se retirant également de la cote.

Ce départ pour les David de Rothschild, associés à la branche anglaise au sein de Concordia (à 5 %), vise à « consolider l’indépendance ». Ils font le constat qu’« aucun des métiers ne requiert de faire appel aux marchés de capitaux », selon la note d’information déposée en vue de l’OPA.

Leurs performances « doivent être appréciées sur le long terme », alors que la banque anticipe une chute de 50 % de ses bénéfices cette année. Dans ce contexte, « le statut de société privée apparaît plus pertinent que celui d’une société cotée ». La haute finance ne cultive pas le goût de la publicité.

Appui des grandes familles
L’offre s’ouvrira donc ce lundi au prix de 38,60 euros par action et durera 35 jours. Dividendes attachés, elle s’élève à 48 euros par action, soit une prime de 36 % par rapport aux moyennes des 180 jours précédents l’annonce du retrait début février. Vendredi, le cours a clôturé à 38,70 euros, valorisant la banque 2,98 milliards d’euros.

Le retrait ne sera cependant acté que si le seuil de 90 % des titres est atteint. « A défaut, le groupe restera coté avec le risque d’un titre assez illiquide pour les investisseurs », estiment des observateurs proches du groupe.
Des actionnaires minoritaires ont certes soulevé la question de valorisation du groupe et par le passé, Vincent Bolloré s’est invité au capital de la banque d’affaires , à l’époque de son incursion chez Lazard, au début des années 2000. Il avait fini par revendre sa participation aux AGF dont le président Jean-Philippe Thierry était censeur du véhicule coté Paris Orléans. Pour éviter ce type d’écueil, la famille dispose de nombreux filets de sécurité.

A ce jour, les branches française et anglaise (au travers de Concordia) détiennent déjà avec un concert d’investisseurs 65,8 % du capital et 73,7 % des droits de vote. Financés à hauteur de 450 millions d’euros par des prêts, ils se sont assuré l’appui financier de grandes familles, les Dassault, Peugeot , Wertheimer, propriétaires de Chanel , et les Giuliani – chacune ayant vocation à détenir 5,1 % du capital une fois Rothschild & Co retiré de la Bourse.

Ils bénéficient aussi du soutien d’autres alliés proches : d’autres membres de la famille anglaise, les Maurel, le banquier François Henrot, bras droit de David de Rothschild, les Dentressangle ou encore Hubertus von Baumbach (le PDG de la deuxième plus grande société pharmaceutique d’Allemagne, Boehringer Ingelheim).

Evolution de la gouvernance
Les associés gérants de la maison viendront également apporter leurs titres et leurs intérêts seront regroupés dans une nouvelle entité, Rothschild & Co Partners qui détiendra près de 10 % du capital.
Des soutiens qui vont nécessairement conduire à un nouvel équilibre dans la gouvernance. Celle-ci va rester duale. Rothschild & Co Gestion dont la présidence exécutive est détenue par Alexandre de Rothschild va rester le gérant statutaire et le représentant légal du groupe. Mais le conseil de surveillance va être remanié.

Les David de Rothschild et leurs cousins d’outre-Manche y auront la majorité des sièges, les quatre grandes familles, Dassault, Peugeot, Wertheimer et Giuliani, comptant chacune un représentant. Toutefois, cette instance aura un « rôle essentiellement consultatif », souligne la note d’information, à l’exception de certaines décisions. A l’issue de cette opération, la famille des David de Rothschild reste ainsi maîtresse à bord de la banque qui porte son nom.

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