La curiosité des internautes chinois pour l’intelligence artificielle conversationnelle ne se dément pas. L’application Ernie Bot, le chatbot développé par la société Baidu, est arrivée en tête des téléchargements dans les heures qui ont suivi son lancement grand public jeudi dernier. Ernie aurait été téléchargé 1 million de fois dans les 19 heures suivant sa sortie (ChatGPT développé par l’américain OpenAI, a atteint le million de téléchargements après cinq jours), tandis que l’action du groupe chinois montait de plus de 4 % en Bourse et que les internautes chinois bombardaient le service avec plus de 33 millions de questions au cours des 24 heures suivant son déploiement public.

Le soufflé est un peu retombé depuis : lundi, Ernie figurait au deuxième rang des applications les plus téléchargées sur iPhone, avec 76.940 téléchargements, loin des 313.610 téléchargements du premier jour, selon les données de la société d’études Qimai.cn.

L’américain ChatGPT interdit en Chine
Officiellement inaccessible en Chine, ChatGPT avait déclenché un engouement spectaculaire des internautes après sa sortie, réveillé les ambitions des stars chinoises de l’IA et aiguisé la vigilance des régulateurs. Si Ernie a suscité le plus d’enthousiasme à sa sortie, quatre autres sociétés chinoises – dont SenseTime, un des leaders chinois de la reconnaissance faciale – ont lancé des services similaires au grand public le même jour, tandis que six autres ont obtenu l’approbation du gouvernement (dont Alibaba, Tencent et ByteDance, la maison mère de TikTok).
Si les autorités chinoises ont récemment accéléré leurs efforts pour soutenir les entreprises développant l’IA dans un contexte de concurrence avec les Etats-Unis, Pékin exige que celles-ci soumettent des évaluations de sécurité et reçoivent une autorisation avant de commercialiser des produits d’IA sur le marché de masse. Le feu vert donné à onze sociétés a été plus rapide qu’anticipé par les experts. Il fait suite à la mise en place d’un cadre réglementaire concernant les chatbots à usage grand public, entré en vigueur le 15 août dernier.
Sous l’égide de l’administration chinoise du cyberespace (CAC), cette réglementation exige que tous les fournisseurs de technologies d’IA génératives se conforment aux « valeurs socialistes fondamentales » et à ne pas générer de contenus prohibés dans le cyberespace (contenus subversifs à l’égard de l’Etat et du Parti, visant à nuire à la sécurité et à l’unité du pays, ainsi que les contenus à caractère raciste, violent ou pornographique). En cas de circulation d’un contenu prohibé, les plateformes doivent en interrompre la diffusion et signaler le contenu aux autorités compétentes. Les fournisseurs de services IA à usage professionnel ne sont pas concernés par ces mesures.

Difficile équilibre
Cette réglementation est plus souple que le projet présenté en avril dernier, qui prévoyait notamment des amendes et des obligations de résultat. Ce projet avait été critiqué comme trop punitif par les fournisseurs et trop compliqué à mettre en oeuvre. Pékin cherche un difficile équilibre entre la volonté de développer l’IA et l’effort d’innovation, tout en essayant d’en contrôler son usage au sein du grand public dans un contexte de haute surveillance du régime et de censures.
L’application Ernie est fortement censurée, offrant des réponses approuvées par l’Etat à des questions taboues. Interrogé sur le statut de Taïwan, Ernie répond que « Taïwan fait partie du territoire sacré de la République populaire de Chine » et que « la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Chine ne peuvent être ni violées ni divisées ». Lorsqu’il lui est demandé ce qu’il s’est passé en Chine en 1989, Ernie dit ne disposer d’aucune « information pertinente », bottant en touche sur les manifestations de Tiananmen. D’autres tests ont montré que le chatbot répondait parfois différemment à la même question posée plusieurs fois ou préférait interrompre la conversation.

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