« Je ne veux pas que l’on soit assis à l’arrière du train de l’IA. » En annonçant il y a quelques jours un investissement de 200 millions d’euros dans l’intelligence artificielle pour créer un écosystème comme il l’a fait avec Station F et l’école 42, Xavier Niel a une nouvelle fois secoué la French Tech. Mais la France a déjà de bonnes bases dans le domaine grâce à ses formations prestigieuses comme le MVA, le master de l’ENS Paris-Saclay connu jusque dans la Silicon Valley.
L’écosystème tricolore peut aussi compter sur des entrepreneurs qui ont des historiques solides à l’image d’Alexandre Lebrun, qui a revendu deux start-up dans l’IA dont la dernière à Meta . Après avoir passé quelque temps dans le laboratoire du géant américain, il a monté Nabla, une jeune pousse qui développe des outils d’IA pour les médecins .
Celle-ci est d’ailleurs située dans le même immeuble que Dust, jeune société d’IA générative fondée par Stanislas Polu (ex-OpenAI) et Gabriel Hubert (ex-Alan), qui a séduit des fonds prestigieux comme Sequoia et Seedcamp. « On se connaît très bien. On est un peu une famille », confie Alexandre Lebrun, qui côtoie aussi deux des fondateurs de la jeune société Mistral AI , Timothée Lacroix et Guillaume Lample, qui officiaient auparavant dans l’équipe chargée des grands modèles de langage de Meta.
Rester à Paris
« Paris a toujours été un endroit avec des gens talentueux dans l’IA. Au début, il y avait beaucoup de profils académiques qui se sont ensuite déplacés dans l’industrie. Puis il y a eu une vague d’entrepreneuriat. Je ne suis pas surpris de voir ce qui se passe aujourd’hui, c’est quelque chose qui se trame depuis dix ans », estime Arthur Mensch, cofondateur de Mistral AI.
Certains entrepreneurs français, partis aux Etats-Unis pour développer leur start-up d’IA, sont revenus en France. « On nous a un peu accusés de voler des cerveaux en partant, mais finalement, tout ce qu’on a fait est en train d’essaimer à Paris », se défend Alexandre Lebrun.
Le Covid-19 a permis aussi d’aller chercher des capitaux partout dans le monde. « Les fonds de capital-risque se sont virtualisés, vous n’avez plus besoin de vous déplacer dans la Silicon Valley. Pour ma première boîte, j’ai dû déménager aux Etats-Unis et bouger le siège social là-bas. Je n’ai pas eu besoin de faire ça avec Nabla », raconte Alexandre Lebrun.
Le point d’inflexion a probablement été l’arrivée de Poolside en France . Cette société, créée par deux Américains (Eiso Kant et Jason Warner), a choisi de s’installer à Paris pour entraîner des grands modèles de langage. Un choix que l’on doit en partie à Antoine Martin, cofondateur de Zenly, ami d’Eiso Kant depuis dix ans. « Je lui ai proposé de lui prêter un bureau un après-midi lors de son passage en France, au lieu de bosser de son hôtel. Il a décalé son billet d’avion chaque soir et il n’est jamais reparti », raconte Antoine Martin.
La bataille des fonds
Depuis lors, l’entrepreneur reste sous les radars – il a refusé notre demande d’interview – mais a déjà pu rencontrer le cabinet de Jean-Noël Barrot, ministre du Numérique, selon nos informations. « Mon objectif est d’encourager au maximum l’innovation en IA afin de concurrencer les plus grandes puissances mondiales, pour que la France ne passe pas à côté de la prochaine révolution d’ampleur. Nous avons mis toutes les chances de notre côté pour y parvenir grâce aux plans successifs dédiés à l’IA depuis 2017 avec près de 2,5 milliards d’euros investis par la France pour la recherche, la formation et le soutien aux entreprises », indique Jean-Noël Barrot, aux « Echos ».
Les fonds de capital-risque (VC) étrangers ont désormais placé Paris sur la carte de l’IA. « Les Britanniques et les Américains qui ont une antenne à Londres sont entre un et deux jours par semaine à Paris. Si vous allez au Hoxton [un hôtel-restaurant du quartier parisien du Sentier très prisé de l’écosystème start-up], une table sur deux est occupée par un VC américain », s’amuse Alexandre Lebrun.
Les plus grands fonds se sont battus pour entrer au capital de Dust, Poolside et Mistral AI, signant ainsi le retour des valorisations dignes de 2021. Des capitaux qui permettent aussi d’attirer les meilleurs talents, qui se trouvent dans les écoles françaises, mais aussi chez les géants de la tech. « On avait chacun nos réseaux donc on s’est servi jusqu’à présent chez Deepmind [start-up d’IA rachetée par Google] et Meta », explique Alexandre Lebrun.
D’après une étude de Sequoia Capital, Dublin et Zurich détiennent les plus fortes concentrations par habitant d’ingénieurs en IA, mais d’autres villes tirent leur épingle du jeu, comme Athènes, Berlin et… Paris. « Avec la mise en oeuvre d’une série d’initiatives en matière d’investissement et de réglementation dans la région, l’Europe est prête à devenir un leader mondial de l’IA », avance l’étude.
Si Londres est au coude à coude avec Paris, la reine de l’IA est (sans grande surprise) outre-Atlantique. « Paris n’est pas la grande ville de l’IA aujourd’hui. C’est plutôt San Francisco qui a la première place », remet en perspective Arthur Mensch. La Silicon Valley regorge de pépites dans le domaine avec en tête Open AI.
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