Opposants emprisonnés, presse muselée, indépendance judiciaire diminuée, élections biaisées… de la Hongrie à la Tunisie, les démocraties sont de plus en plus fragilisées. Dans son dernier rapport, publié ce jeudi, l’organisation intergouvernementale International Idea observe que près de la moitié des pays examinés (85 sur 173) ont enregistré, en 2022, la baisse d’au moins un des 17 facteurs clés de performance démocratique au cours des cinq dernières années.
« C’est la sixième année où nous notons un recul des démocraties. C’est la période la plus longue jamais enregistrée », observe Seema Shah, principal auteur du rapport d’International Idea. Les pays qui ont le plus nettement décliné en Afrique sont le Bénin, le Burkina Faso, le Tchad, la Guinée, l’île Maurice et la Tunisie. A Tunis, le président Kaïs Saïed s’est ainsi approprié les pleins pouvoirs et a multiplié les limogeages brutaux. De nombreux opposants, chefs d’entreprise, journalistes ou responsables politiques ont été emprisonnés.
Ailleurs, de gros reculs ont également été constatés en Biélorussie, en Afghanistan et en Birmanie ainsi qu’au Salvador et au Nicaragua. Ce petit Etat d’Amérique centrale, raconte un fin connaisseur, « c’est ‘Tintin chez les Picaros’ revu par Stephen King ». La mainmise absolue de Daniel Ortega et de sa femme, Rosario Murillo, a d’ailleurs poussé le pape François à dénoncer, en février dernier, « une dictature grossière » après la condamnation d’un évêque à 26 ans de prison pour « conspiration ».
Erosion des contre-pouvoirs
Parmi les facteurs étudiés par International Idea, la représentation politique et l’Etat de droit sont ceux qui ont été le plus largement impactés l’an dernier. « On ne fait pas un classement des démocraties, mais on sélectionne les critères qui y contribuent et on regarde où sont les problèmes », souligne Seema Shah.
Il y a évidemment les cas notoires, comme les coups d’Etat récents dans plusieurs pays du Sahel . Mais aussi des manoeuvres plus insidieuses comme l’emprisonnement d’opposants politiques en Russie ou les perquisitions dans les états-majors de certains partis en Inde avant des élections locales.
Selon le rapport, la détérioration est « exacerbée par l’érosion des contre-pouvoirs formels (élections, parlements ou tribunaux) qui peinent à faire respecter la loi ». La liberté d’expression comme la liberté de la presse ont décliné partout : « C’est préoccupant parce que c’est un support essentiel aux institutions démocratiques », observe la responsable d’International Idea.
L’Europe pas épargnée
Les Européens n’échappent pas aux mauvaises notes. L’Etat de droit s’est ainsi affaibli en Hongrie et en Autriche, où s’essouffle également la liberté d’expression, tandis que l’accès à la justice s’est dégradé au Royaume-Uni. Tout comme en France, où la liberté de réunion a reculé. La Pologne, où l’opposition vient de remporter une victoire inattendue , avait vu sa position se détériorer sérieusement au regard des critères de performances démocratiques.
Globalement, l’Europe reste la plus avancée, « mais la trajectoire d’un groupe non démocratique comme l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Russie et la Turquie peut avoir une influence déstabilisante sur une région majoritairement démocratique », observe International Idea.
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